THEORIE - "Comment les chorégraphes se sont affranchis des codes académiques" ex Giselle

Enseignement de spécialité DANSE - Première

Comment la danse du 20eme siècle s'est-elle affranchie des codes romantiques et académiques ?


Sujet: “En vous appuyant sur les chorégraphes qui témoignent d’approches innovantes, vous montrerez comment la danse s’est affranchie des codes académiques" - Focus sur les relectures de Giselle & Le lac des cygnes”

Séquence d'apprentissage 1

Sujet : «En vous appuyant sur les chorégraphes qui témoignent d’approches innovantes, vous montrerez comment la danse s’est affranchie des codes académiques» - Focus sur les relectures de Giselle

Analyse du sujet

Définition :


Définition de «La danse»: Art corporel utilisant le mouvement comme vecteur d’une interprétation du réel et destinée à être vue et appréciée d’un public. 


Définition de “S’affranchir”: se défaire d’entrave


Définition de “Codes académiques”: convention de la danse classique académique.

Proposer de nouvelles œuvres nécessite de revisiter ces œuvres


Revisiter: la pratique du détournement engendre diversion, dérivation, décalage… par rapport à l’œuvre originale pour tendre vers une nouvelle œuvre, exemple garder le même vocabulaire en changeant l’intention. Un détournement affirme un parti prix : artistique, poétique, politique, humoristique, ironique, esthétique, conceptuel.


Questionnement :

Quels sont les détournements qui ont permis cette approche innovante du corps?

Quels sont les partis pris opérés pour créer ces détournements?


Problématique :

Quelle est la place des détournements des codes dans les approches innovantes de la danse


Plan

1. Nous verrons comment les chorégraphes interviennent sur l’écriture chorégraphique pour transformer le ballet romantique «Giselle» de Jean Coralli et Jules Perrot.

2. Nous verrons comment les chorégraphes interviennent sur la thématique et le sens de leur pièce pour transformer l’œuvre initiale

3. Nous verrons que les chorégraphes interviennent sur la scénographie pour créer un nouvel univers scénique


ACTIVITES 1 pour comprendre le sujet:

Comment et pourquoi les chorégraphes du 20 éme siècle ont revisité le ballet Giselle A partir des images ci dessous, trouver les différences et ressemblances entre ces quatre Giselle?

Giselle, Jean Coralli et Perrot, 1841

Giselle,, Masilo Dada, 2017

Giselle, Akram Khan, 2016

Giselle, Mats’Ek, 1982

ACTIVITES 2 pour connaitre les caractéristiques du ballet Romantique:

1. A rendre (Individuel - fin de séquence):

A partir des composantes du mouvement, de l’analyse du thème et de la scénographie définir les caractéristiques du ballet romantique «Giselle» et créer une fiche de révision sur ce ballet

2. A faire (travail collectif - en classe) - World café

Table 1: Analyse des composantes du mouvement dans le ballet «Giselle» (Espace, temps, flux, poids/corps) 

Table 2: Analyse du thème caractéristiques du ballet «Giselle», création d’une fiche synthèse autour des caractéristiques du romantisme

Table 3: Analyse de la scénographie, création d’une fiche synthèse autour des caractéristiques du théâtre à l’italienne et de la perception de la pièce chorégraphique par les spectateurs

Table 1

A l’aide des extraits vidéos et des articles suivants, proposer une fiche synthèse sur les caractéristiques des composantes du mouvement dans Giselle

Table 2

A l’aide des extraits vidéos et des articles suivants, proposer une fiche synthèse sur les caractéristiques du ballet romantiques

Table 3

A l’aide des extraits vidéos et des articles suivants, proposer une fiche synthèse sur les caractéristiques du théâtre à l’italienne avec des exemples précis tirés de l’œuvre Giselle

Ressources & connaissances

La naissance du ballet classique 

Par danse classique on entend le ballet classique, dont les origines remontent à la Renaissance Italienne au XVème siècle. Étymologiquement parlant le mot « ballet » tire son nom du mot latin « ballo, ballare » qui veut littéralement dire « danser », la version italienne « balletto » trouve les mêmes origines étymologiques dans le latin. En anglais le mot « ballet » est repris sans aucune modification.

Le balletto italien

La danse classique apparaît pour la première fois lors des mariages italiens au XVème siècle. En effectuant des pas de deux et des entrechats, les danseurs, les danseuses, en plus des musiciens, jouaient lors des mariages pour distraire les personnes présentes dans la fête.

L’exportation du ballet de son pays d’origine l’Italie en France fût après le mariage de Catherine de Médicis et Henri II en 1533. Elle l’amène avec elle en France et, depuis, le balleto pend peu à peu la forme d’un spectacle de danse assez complet : décors, costumes, versets et chants ont agrémenté les spectacles de ballet italiens. Domenico Da Piacenza était le premier maître à danser, soit l’un des premiers professeurs de danse de l’Histoire.


Le ballet de cour français

Le chorégraphe et violoniste d’origine italienne Balthazar de Beaujoyeulx montait et représentait à Paris en 1581 le Ballet Comique de la Reine, l’un des premiers ballets de cours français. C’est un genre de spectacle à par entière qui conjuguait poésie, musique vocale et instrumentale, chorégraphie et scénographie. C’est à partir de ces ballets de cour français que seront par la suite créés les opéras-ballets et les comédies-ballets de Lully et Molière.


Les quatre vertus du ballet comique de la reine, 1581

Développement de la danse classique

Le ballet apparaît en Italie mais se développe en France et en Russie. D’abord en France, c’est grâce au Roi Soleil, Louis XIV, qui, par sa passion et son amour à la danse, voulait à tout prix faire de la danse un art et ce après le déclin de l’engouement à la danse constatait au XVIIème siècle. Il créa alors l’Académie Royale de Danse en 1661 puis l’Académie Royale de Musique en 1669. Ce sont en effet les ancêtres de l’Opéra national de Paris.

La codification de la danse classique, les cinq positions

Pierre Beauchamp, figure emblématique de la belle danse, inventeur de la comédie-ballet et l’un des maîtres de danses les plus connus de l’histoire de la danse classique est le codificateur des cinq positions de la danse classique. Ainsi il met en place un système de notation de la danse classique basé sur cinq points :


  La première position : talons accolés, pieds sur la même ligne,

  La deuxième position : talons éloignés de la valeur d’un pied et demi sur la même ligne,

  La troisième position : le talon du pied placé devant se place au milieu du pied de derrière,

  La quatrième position : les pieds sont écarts de la valeur d’un pied. On peut faire une quatrième ouverte (les talons sont alignés) ou une quatrième croisée (le talon de devant est aligné avec les orteils de derrière),

  La cinquième position : talon avant contre la pointe du pied arrière.


Beauchamp commencera à noter les pas, décrire les chorégraphies mais ne publiera pas ses écrits. C’est Raoul FEUILLET qui, à partir des notes de Beauchamp, publia en 1701 « une chorégraphie de l’art de décrire la danse par caractère et figures et signes démonstratifs ».

* Le danseur »noble » doit être grand, bien proportionné et les traits emprunts de distinction et de majesté dans l’exécution de ses pas et de ses mouvements de bras.

C’est un des 3 styles de danse dans lesquels seront classés les danseurs/ses de l’Opéra de Paris jusqu’en 1830, avec la « danse demi-caractère » et la « danse » comique ».

Jean-Georges Noverre

Jean-Georges Noverre (1727-1810), danseur et chorégraphe, est comme son siècle un homme des Lumières. Il cherche à sortir la danse de son caractère de divertissement pour lui donner une dimension expressive. Il a été influencé par le travail de Garrick (acteur et dramaturge anglais) qui lui fait mêler la pantomime à la danse. « La danse doit être plus naturelle, plus expressive. » Il convient de « s’écarter avec grâce des règles étroites de l’école, pour suivre les impressions de la nature afin de donner à la danse l’âme et l’action qu’elle doit avoir pour intéresser », explique-t-il dans sa Lettre XXII, « De l’accord du geste avec la pensée et les mouvements de l’âme ». Des connaissances nécessaires au maître de ballet à la chorégraphie en passant par la composition des corps de ballet jusqu’aux costumes, l’ensemble de ces Lettres inspirera la construction du ballet des XIXe et XXe siècles.


Ballet d’action 

Le ballet d’action est un genre hybride de ballet expressif et symbolique né au XVIIIe siècle. Inventé rétroactivement en 1855 par le critique de théâtre Théophile Gautier , l’un de ses principaux objectifs était de libérer la transmission d’une histoire du dialogue, en s’appuyant simplement sur la qualité du mouvement pour communiquer des actions, des motifs et des émotions. L’expression des danseurs a été mise en évidence dans de nombreuses œuvres influentes comme un aspect vital du ballet d’action. Devenir une incarnation de l’émotion ou de la passion à travers la liberté d’expression, le mouvement et la chorégraphie réaliste était l’un des principaux objectifs de cette danse. Ainsi, l’aspect mimétique de la danse a été utilisé pour transmettre ce que le manque de dialogue ne pouvait pas. Certes, il peut y avoir eu des gestes codifiés; cependant, l’un des principaux tenants du ballet d’action était de libérer la danse du symbolisme irréaliste, ce qui reste une question insaisissable. Souvent, des accessoires et des objets de costume étaient impliqués dans la performance pour aider à clarifier l’interaction et les passions des personnages. 


La Naissance du Ballet romantique


Le romantisme, courant artistique qui prend son essor au début du XIXe siècle, marque profondément le monde de la danse. Les ballets romantiques, avec des œuvres emblématiques telles que Giselle et La Sylphide , transcendent la simple technique de performance pour explorer des thèmes d’amour, de mystère et de surnaturel. Dans ce contexte, les ballerines sont élevées en icônes féminines éthérées, souvent vêtues de blanc pour symboliser la pureté et le monde de l’au-delà. Ce cours explorera les caractéristiques principales des ballets romantiques, en détaillant deux des plus grandes œuvres de cette époque et en soulignant leur contribution à l’évolution du ballet classique ​​.

I. Contexte et caractéristiques du ballet romantique

Le XIXe siècle voit l’émergence du romantisme dans tous les arts. Dans le ballet, cela se traduit par une exploration des sentiments intérieurs, des rêves et de l’inaccessible, souvent associés au surnaturel. Les éléments marquants du ballet romantique incluent :

L’idéalisation de la femme : La figure féminine devient le cœur du ballet, incarnant pureté et délicatesse. Les ballerines sont souvent présentées sous la forme de créatures immatérielles – sylphides, esprits ou fées – qui dansent sur la pointe des pieds pour accentuer leur caractère éthéré.

Les costumes et les décors : Les ballerines portent de longs tutus blancs, souvent appelés « tutus romantiques », qui renforcent l’impression de flottement. Les décors sont brumeux et mystérieux, créant des atmosphères oniriques et surnaturelles, comme dans La Sylphide (1832).

L’expression des émotions : Contrairement aux ballets de cour, davantage axés sur le divertissement et la virtuosité, le ballet romantique privilégie l’expression des sentiments profonds, en résonance avec le public. La narration joue un rôle essentiel, et les mouvements de danse sont empreints de mélancolie et de lyrisme .

II. La Sylphide , 1832 : La Quête de l’Inaccessible

La Sylphide, chorégraphiée par Filippo Taglioni pour sa fille Marie, est l’un des tous premiers ballets romantiques. Créé en 1832 à l’Académie royale de musique à Paris, il raconte l’histoire de James, un jeune homme qui tombe sous le charme d’une sylphide, un esprit de la forêt. Bien que fiancé à Effie, une villageoise, James est fasciné par cette créature évanescente. Il se lance à sa poursuite, mais ne peut la posséder, et finit par provoquer sa mort en tentant de la capturer.


Thèmes et symbolisme : La Sylphide traite de l’incompatibilité entre le monde humain et le monde surnaturel. La sylphide représente l’idéal inaccessible, symbolisant les désirs et rêves impossibles de l’homme. Le ballet explore les limites de la passion humaine et son incapacité à dompter l’irrationnel ou le surnaturel.

Innovation technique : Marie Taglioni est la première danseuse à exécuter des mouvements sur pointes dans un rôle aussi étendu, ouvrant la voie à une technique essentielle du ballet classique. Elle exprime ainsi la légèreté de la sylphide et sa distance d’avec la réalité humaine, conférant à son personnage une présence aérienne​ .

Ambiance et décors : La première scène se passe dans un environnement domestique, contrastant avec la deuxième partie située dans une forêt enchantée. Cette juxtaposition entre l’intérieur sécurisé et le monde naturel sauvage souligne l’attrait de l’inconnu et du danger propre au romantisme .

III. Giselle , 1841 : L’Amour au-delà de la Mort

Giselle, chorégraphié par Jean Coralli et Jules Perrot, est considérée comme le chef-d’œuvre du ballet romantique et a été créé à l’Opéra de Paris en 1841. Ce ballet raconte l’histoire de Giselle, une jeune paysanne innocente qui tombe amoureuse d’Albrecht, noble déguisé en paysan. Lorsque la trahison d’Albrecht est révélée, Giselle en perd la raison et succombe, devenant un esprit ou « Wili », condamnée à faire danser les hommes jusqu’à la mort.


Thèmes et symbolisme : Giselle explore des thèmes tels que la trahison, la folie amoureuse, et le sacrifice. Les Wilis, esprits de jeunes femmes mortes avant leur mariage, incarnent la vengeance et l’impossible rédemption. Ce ballet montre la puissance rédemptrice de l’amour, car Giselle, malgré sa condition d’esprit, sauve Albrecht de la mort en dansant avec lui jusqu’à l’aube​ .

Mouvement et technique : L’utilisation de la pointe, popularisée par Marie Taglioni, permet à Giselle d’incarner une créature presque sans poids, flottant entre la vie et la mort. Ce ballet instaure la technique des arabesques, développant la sensation de légèreté et d’élévation, essentielles à l’esthétique romantique.

Musique et atmosphère : La musique d’Adolphe Adam accompagne la danse avec des motifs mélodiques qui renvoient les différents états d’âme des personnages. La transition entre le monde réel et celui des esprits est renforcée par des changements d’éclairage et de mise en scène qui font passer d’un village vivant à un cimetière mystérieux et froid ​​.

Les ballets romantiques comme Giselle et La Sylphide ont transformé la danse en un art où l’émotion et la spiritualité priment sur la virtuosité pure. Ils ont introduit des innovations techniques, comme la danse sur pointe et les portés gracieux, qui accentuent la grâce et l’évanescence des figures féminines. Ces œuvres continuent d’influencer le ballet classique, en rappelant la capacité unique de cet art à exprimer l’invisible et le rêve. Les ballets romantiques, avec leurs atmosphères oniriques et leurs thèmes d’amour et de mystère, demeurent des piliers intemporels du répertoire classique et incarnent l’apogée de la recherche esthétique et expressive de l’art de la danse 

Le merveilleux dans le ballet romantique

Article de Delphine Goater

Dans un monde où elle a perdu son pouvoir spirituel et magique, la musique constitue-t-elle encore un moyen de réenchanter le monde ?

Féérie fantastique jetée entre la terre et l’au-delà pour certains, évocation surnaturelle de personnages fantastiques pour d’autres, le ballet romantique né dans les années 1830, est l’une des illustrations les plus marquantes du merveilleux dans le spectacle vivant. Machineries, envols, brumes et lumières spectrales contribuent au goût du public pour cette nouvelle forme artistique. Entre La Sylphide, premier ballet romantique et Giselle, chef d’œuvre absolu, récit de la naissance d’un genre.

Le ballet-pantomime, ou l’apparition des machineries volantes

« Les créatures volantes et les machineries n’apparaissent pas avec le ballet romantique, elles peuplaient depuis longtemps les ballets à l’antique » souligne Hélène Marquié, chercheuse qui a consacré un mémoire à l’histoire et à l’esthétique du ballet au XIXe siècle. Dès 1796, le ballet-pantomime Flore et Zéphyr de Didelot renouvelle le genre grâce à une machinerie permettant aux danseurs de simuler le vol. Le critique Castil-Blaze ne semble pas convaincu : « c’est la première fois que l’on fit manœuvrer les danseurs académiciens de cette manière, suspendus au plafond, aussi lestes que des jambons accrochés dans la boutique d’un charcutier ». Pourtant, les grands spectacles du XVIIIe siècle étaient déjà des fééries somptueuses, où les « trucs » du machiniste émerveillaient les spectateurs par leur nouveauté.


Autre innovation majeure : l’éclairage au gaz, utilisé pour la première fois à l’Opéra en 1922, qui confère à la scène une atmosphère romantique, dont s’emparent avec délectation les décorateurs comme Pierre Ciceri, créateur du décor de La Sylphide et de Giselle. Beaucoup moins contraignant que les chandelles ou les lampes à huile, le gaz permet d’éclairer les solistes ou certaines zones de la scène, et de varier les intensités. Serge Lifar dans son ouvrage « Giselle, apothéose du ballet romantique », souligne le contraste qui advient lorsque Paul Taglioni dans La Sylphide « fait évoluer des ombres diaphanes qui portent en elles tous les désirs, toutes les aspirations de l’humanité romantique. Plus rien de grandiose, de froid, de figé, mais des demi-teintes évoluant doucement sous une lumière blafarde, si belles et délicatement émouvantes ».


Enfin, le costume évolue lui aussi depuis la fin du XVIIIe siècle, ouvrant la voie à plus de légèreté. Serge Lifar dans son étude « Giselle, l’apothéose du ballet romantique », rappelle la création du « ballet d’action » par Noverre sur des arguments issus de la mythologie grecque ou latine, tandis que maillot rose et tunique légère apparaissent sur scène. A cette époque, les « touches légères… restent courtoises, mignardes, précieuses ; ce sont des pastorales élégantes, où le spectateur n’oublie jamais que l’on est entre divinités mythologiques et gens du monde de l’aristocratie. »


Machineries, éclairage au gaz, costumes plus légers, les ingrédients de la féérie existent, il ne reste plus qu’à lui trouver un livret.


La Sylphide, le premier ballet romantique

Serge Lifar attribue à Duponchel, metteur en scène de Robert le diable à l’Opéra en 1831, le premier tableau véritablement romantique. « L’apparition des nonnes, sortant de leurs tombeaux, voilées de blanc, Marie Taglioni, glissant sur les pointes, tel un spectre de rêve, produisirent sur le public une impression considérable… ». Philippe Taglioni, qui avait réglé les danses de Robert le diable pour sa fille Marie et son partenaire Jules Perrot, est sollicité par le ténor Nourrit, qui chantait le rôle de Robert. Celui-ci lui propose l’argument de La Sylphide, inspiré de Trilby ou le butin d’Argail, ramené de la patrie de Walter Scott par le poète Charles Nodier. Le 12 mars 1832, Marie Taglioni créée La Sylphide, chorégraphie de Philippe Taglioni sur un livret du ténor Adolphe Nourrit. C’est l’acte de naissance du ballet romantique, dans lequel la féérie supplante la mythologie et par lequel la danse devient un langage transcendant, chargé de spiritualité et de mystère. Douze ans plus tard, Théophile Gautier se souviendra que « l’Opéra fut livré aux gnomes, aux ondines, aux salamandres, aux elfes, aux nixes, aux wilis, aux périls et à tout ce peuple étrange et mystérieux qui se prête si merveilleusement aux fantaisies du maître du ballet. »


Dans La Sylphide, James, paysan écossais, est hanté par une sylphide, être impalpable bien décidé à troubler les fiançailles entre James et Effie. « Le deuxième acte, où s’épanouit le ballet blanc, est dominé par le surnaturel » écrit André Lévinson dans Le ballet romantique, qui raconte « les filles de l’air voltigeant d’une aile timide et cadencée » autour de la sylphide. C’est une écharpe posée par une sorcière sur les ailes de cet être astral qui lui sera fatale.

Ni divertissement mythologique, ni drame passionnel, le spectacle devient alors, selon un mot de Goethe, la réalisation de l’imaginaire. André Lévinson le résume ainsi : « Le ballet romantique fut essentiellement, sous une forme palpable, directe, suggestive, l’expression spontanée et inconsciente d’une métaphysique spiritualiste. » Le comparant aux Mystères du Moyen-Âge, il soutient que le ballet de 1830 fut l’un des foyers de rayonnement de l’influence germanique. Ce genre inauguré en France par des italiens, les Taglioni, comportait toutes les caractéristiques du génie romantique : spiritualisme exalté, engouement pour la couleur locale puisée aux sources populaires, nostalgie de pays lointains ou féériques, d’un passé oublié ou légendaire, amour mystique plus fort que la mort.


Au cœur du ballet romantique, la ballerine

Rendu possible par l’avènement des pointes, l’élévation permet d’invoquer des êtres surnaturels, sylphide, ondine ou spectre… « L’étoile n’appartient plus à la terre ; son règne est la région éthérée, le domaine de la fantaisie délivrée. » Alors que Marie Taglioni avait expérimenté les pointes sur scène à Vienne en 1826 apparaissant « tel un fantôme glissant à la surface du sol qu’elle effleurait à peine du bout de son orteil, chaussé de soie », cette technique nouvelle fait sensation et ne passe pas inaperçue. Marie Taglioni, Fanny Essler, Carlotta Grisi peuvent alors remplir les scènes avec la légèreté d’un frou-frou de blanche tarlatane !


La technologie devient aussi un élément esthétique à part entière. Beaucoup de dispositifs sont utilisés pour simuler les envols d’esprits aériens dans les cintres : dans La Sylphide par exemple, le rôle-titre s’envole par la cheminée au premier acte, tandis qu’au second, une douzaine de sylphides vole en ronde. Hélène Marquié rappelle que des mécanismes d’horlogerie intégrés aux costumes faisaient battre régulièrement les ailes de la sylphide en plein envol. « Louis Veron, directeur de l’Opéra, inspectait d’ailleurs soigneusement avant chaque représentation de La Sylphide les porte-mousquetons, les anneaux et les corsets à l’aide desquels étaient suspendues les figurantes qui « doublaient » les premiers sujets ; les rats qui effectuaient les vols recevaient un feu de dix francs, une somme importante, comme prime de risque. »


Serge Lifar est contempteur de Philippe Taglioni, qu’il qualifie de « choréauteur médiocre » au seul service de sa fille dans « Giselle, apothéose du ballet romantique ». C’est la raison pour laquelle il n’attribue à La Sylphide qu’un rôle de précurseur du ballet romantique. Il enfonce le clou en décrivant la mise en scène « Dans La Sylphide, tout l’élément réel, terrestre, du sujet était dansé, tandis que l’élément fantastique était presque entièrement « machiné » – au lieu de voler par la danse et dans leurs danses, les Sylphides évoluaient dans les airs, attachées à des fils de fer descendant d’une espèce de carrousel, installé aux cintres. » Son jugement est sans appel « l’apparition de fantômes n’est que prétexte à faire valoir l’adresse du machiniste : l’esprit sylphide ou wili n’a pas encore pénétré dans le ballet, il ne fait pas encore partie intégrante de la danse académique. Avec la Sylphide, le ballet était devenu romantique par son aspect, par sa forme, mais son état d’esprit demeurait inchangé. »


Une critique que réfute Pierre Lacotte, chorégraphe français qui a travaillé avec Lifar et a remonté La Sylphide en 1972 pour la première diffusion d’un ballet en couleurs à la télévision française. Ghislaine Thesmar et Michaël Denard dansent les rôles principaux. « On ne peut pas reprocher à un ballet d’avoir des machineries, elle fait partie du rêve. La Sylphide est le premier grand ballet romantique, c’est le départ de tout. Elle est inattaquable et c’est un grand chef d’œuvre. Depuis que j’ai remonté La Sylphide, c’est aussi un succès extraordinaire. » Pierre Lacotte rappelle très justement que Bournonville, né d’une mère suédoise et d’un père français, et venu se perfectionner à l’Opéra de Paris, a décidé de remonter au Danemark sa propre version de La Sylphide, car la version de Taglioni était trop chère à remonter.


Giselle, l’apothéose du ballet romantique

Créé deux ans après La Sylphide, Giselle fixe le style du ballet romantique, avec son clair de lune spectral et un folklore inspiré des traditions allemandes. Théophile Gautier a écrit le livret avec Saint-Georges, s’inspirant de l’allemand Henri Heine, et la chorégraphie est confiée à Jules Perrot. Tous deux choisiront Carlotta Grisi, qui entretenait avec Gautier une amitié amoureuse, pour le rôle-titre. On utilise pour la première fois les trappes anglaises sur la scène de l’Opéra de Paris pour faire sortir Giselle de sa tombe.


Très sévère avec La Sylphide, comme on l’a vu plus haut, Serge Lifar dresse le panégyrique de Giselle dont il estime que « dans toute l’histoire du ballet, je ne connais rien de plus parfait, de plus beau ni de plus grand que Giselle. » Fusion parfaite de la musique et de la danse, harmonie de la danse et de la pantomime, union de l’air et du récitatif, Giselle est pour Lifar un miracle de l’époque romantique. Il attribue à l’arabesque, qui fait son apparition au second acte, le symbole de l’immatériel, du fantomatique « une apparition de l’au-delà » et une traduction « statique » de l’envol des wilis tandis que le sissonne fermé en diagonale et le grand jeté le reproduise en mouvement. Pour lui, c’est la chorégraphie seule qui confère la dimension féérique au ballet. « L’arabesque et le sissonne, motifs inséparables du style romantique, avaient été les principaux éléments chorégraphiques de La Sylphide, mais ils ne s’y trouvaient qu’à l’état embryonnaire, sans connaître encore leur plein épanouissement, comme dans Giselle. »


Là encore, Pierre Lacotte est en désaccord avec Serge Lifar. « Ce sont des œuvres tellement bien conçues, reconnait-il, qu’elles sont faites pour nous emmener dans un monde imaginaire. Elles permettent d’oublier qui on est, de devenir quelqu’un d’autre et de partir dans le domaine du rêve » affirme le chorégraphe.


A lui-seul, le décor du second acte est un élément constitutif de la dimension fantasmagorique de Giselle. « Une brume bleuâtre baigne les intervalles des arbres et leur prête des apparences fantastiques, des attitudes et des airs de spectre » raconte Théophile Gautier dans « Les beautés de l’Opéra, Giselle ». Si Serge Lifar dénonce la surcharge, la lourdeur du décor de Ciceri, l’encombrement de tombes et de tertres de gazon qui se perdent dans une végétation touffue « défavorable aux dispositions symétriques de groupes », il parle aussi d’une trappe qui s’ouvre « illuminée d’une clarté bleue et mystérieuse » laissant apparaître Myrtha, qui effectue un certain nombre de vols horizontaux, actionnés par un machiniste. Il y aura bien des machineries dans Giselle, comme il y en eu dans La Sylphide. Le public et la presse sont enthousiastes, prélude à une longue série de représentations et à la reconnaissance du ballet romantique.


Giselle, Coralli et Perrot 

Giselle est l’un des ballets romantiques les plus emblématiques, et sa première représentation en 1841 à l’Opéra de Paris marque un jalon dans l’histoire de la danse classique. Chorégraphié par Jean Coralli et Jules Perrot, ce ballet dépeint l’amour tragique d’une jeune paysanne et explore des thèmes universels tels que la trahison, le pardon et le sacrifice. Cette œuvre continue d’influencer les chorégraphes modernes par sa profondeur émotionnelle et ses innovations techniques. Ce cours propose une exploration détaillée des créateurs, du thème et de l’histoire, ainsi que des caractéristiques et de l’héritage de Giselle pour les artistes contemporains.

I. Biographies des Chorégraphes : Jean Coralli et Jules Perrot

Jean Coralli (1779-1854) est un danseur et chorégraphe français dont la carrière se développe principalement à Paris. Après avoir travaillé à l’Opéra de Vienne et dirigé le Théâtre de Lyon, Coralli est nommé chorégraphe de l’Opéra de Paris en 1831. Ses œuvres se caractérisent par un style puissant, mélangeant des éléments expressifs et une technique exigeante. Giselle est sans doute l’œuvre la plus marquante de sa carrière, alliant virtuosité et lyrisme pour servir l’histoire romantique d’une manière novatrice ​​.


Jules Perrot (1810-1892), également danseur et chorégraphe, est considéré comme l’un des grands innovateurs du ballet du XIXe siècle. Collaborateur de Coralli sur Giselle , il est surtout chargé de la chorégraphie des scènes de Giselle, interprétée par sa partenaire et muse Carlotta Grisi. Sa maîtrise des éléments dramatiques et son souci du détail enrichissent l’œuvre, lui conférant une dimension théâtrale et émotionnelle inédite. Plus tard, Perrot chorégraphiera pour des compagnies de renommée internationale, influençant le ballet au-delà des frontières de la France​ .

II. Thème et Histoire de Giselle

Giselle s’articule autour de thèmes profonds, mêlant la tragédie romantique à une atmosphère surnaturelle :

Le Thème : Ce ballet explore l’amour pur et le sacrifice, ainsi que la frontière entre vie et mort. Il s’inscrit dans la lignée des ballets romantiques où le monde réel s’entremêle au fantastique, illustré par les esprits vengeurs des Wilis. Les concepts de trahison et de pardon sont également centraux, alors que l’amour de Giselle la conduit au-delà de la mort pour sauver l’homme qu’elle aime​ .

L’Histoire : L’action commence dans un village paisible où Giselle, une jeune paysanne, tombe amoureuse d’Albrecht, noble déguisé en paysan. Lorsque la véritable identité d’Albrecht est dévoilée par Hilarion, un prétendant éconduit, Giselle est dévastée par cette trahison et succombe de chagrin. Dans le deuxième acte, son esprit rejoint les Wilis, des jeunes filles mortes avant leur mariage qui obligent les hommes à danser jusqu’à épuisement. Cependant, lorsque Albrecht vient se recueillir sur la tombe de Giselle, son amour pour lui transcende la vengeance, et elle le sauve en dansant avec lui jusqu’à l’aube, moment où les Wilis perdent leur pouvoir​ .

III. Caractéristiques de Giselle: 

Le personnage de Giselle est emblématique de l’esthétique romantique :

Innocence et Pureté: Giselle incarne la pureté et l’innocence, typiques des héroïnes romantiques. Sa nature douce et naïve la rend particulièrement vulnérable, accentuant la tragédie de sa mort. Ses mouvements sont gracieux, presque flottants, renforçant son caractère éthéré.

Expressivité et Technique : 

Le rôle exige une maîtrise technique importante, avec l’utilisation de la danse sur pointe pour symboliser la légèreté et le caractère fantomatique de Giselle dans le deuxième acte. L’émotion de la trahison et du pardon est transmise par des gestes doux, mais expressifs, tels que les ports de bras fluides et les arabesques aériennes.

Transition vers l’au-delà : 

Dans le deuxième acte, Giselle devient une figure fantomatique. Elle est alors vêtue de blanc, couleur symbolisant la pureté et le passage vers le monde des esprits. Sa danse semble alors transcender les lois de la gravité, illustrant son état immatériel ​​.▪ Siegfried ayant déclaré son amour à Odile, il condamne, sans le savoir, Odette à demeurer un cygne pour toujours. Odette s’envole sous la forme d’un cygne et Siegfried est abandonné.

IV. L’Héritage de Giselle pour les Chorégraphes Modernes

Relecture de Mats Ek : 

En 1982, le chorégraphe suédois Mats Ek propose une version moderne de Giselle , en actualisant les thèmes de l’amour et de la trahison dans un contexte contemporain. Dans cette version, la folie de Giselle devient un élément central, exprimé par une gestuelle plus brute et viscérale qui contraste avec la légèreté du ballet original. Ek explore le thème de la marginalisation sociale et de la souffrance intérieure, offrant ainsi une nouvelle dimension psychologique au personnage​ .


Akram Khan : En 2019, Akram Khan crée une version de Giselle pour l’English National Ballet, où il met l’accent sur les questions sociales et les enjeux contemporains, comme l’injustice et l’exclusion. Il réinvente les personnages et la chorégraphie, en intégrant des influences de la danse kathak, ce qui permet d’aborder l’œuvre sous un nouvel angle, plus ancré dans la réalité contemporaine ​​.

Giselle reste une œuvre phare dans l’histoire de la danse, incarnant la quintessence du ballet romantique. Par son thème intemporel de l’amour au-delà de la mort et son utilisation expressive de la technique sur pointe, il influence les chorégraphes modernes et continue d’inspirer des générations de danseurs. Plus qu’un ballet, Giselle est une exploration poétique des émotions humaines, de la fragilité de l’âme, et du pouvoir du pardon, qui trouve encore aujourd’hui une résonance universelle.

ACTIVITES 3 pour construire mon plan détaillé:

1. A rendre (Individuel - fin de séquence):

Créer une fiche synthèse des chorégraphes suivant: Masilo Dada, Mats Ek, et Akram Khan

2. A faire (travail collectif - en classe) - World café

A partir de l’analyse des composantes du mouvement, du thème et de la scénographie définir les axes de transgressions des codes classiques dans le solo de Myrtha dans les relectures de Masilo Dada, Mats Ek, et Akram Khan

Table 1: Comparaison du traitement des composantes du mouvement dans le solo Myrtha des relectures de Giselle (Espace, temps, flux, poids/corps), création d’une note de synthèse pour la fiche révision commune. 

Table 2: Comparaison du traitement du personnage de Myrtha dans les relectures de Giselle, et création d’une note de synthèse pour la fiche révision commune

Table 3: Comparaison des différentes scénographies par rapport à l’oeuvre d’origine

Table 1

A l’aide des extraits vidéos et des articles suivants, proposer une fiche synthèse sur les caractéristiques des composantes du mouvement dans les trois relectures de Giselle

Table 2

A l’aide des extraits vidéos et des articles suivants, proposer une fiche synthèse sur les caractéristiques du personnage de Myrtha dans les trois relectures de Giselle

Table 3

A l’aide des extraits vidéos et des articles suivants, proposer une fiche synthèse sur les caractéristiques de la scénographie dans les trois relectures de Giselle

Giselle de Dada Masilo

Article de Amélie Bertrand

Après Le Lac des cygnes et Carmen, la danseuse et chorégraphe sud-africaine Dada Masilo s’attaque à un autre mythe du ballet : Giselle. L’emblème du ballet romantique occidental. Car derrière les tutus blancs vaporeux et les forêts de chênes si européennes, il y a les fondamentaux que l’on retrouve aux quatre coins du globe : l’amour, la trahison, la folie, la mort. Même les Willis, qui sont dans les campagnes d’Afrique du Sud des vengeresses menées par une Sangoma, une guérisseuse traditionnelle. La Giselle de Dada Masilo n’est ainsi pas vraiment encline au pardon, mais plutôt une créature du diable. L’acte blanc se transforme en un acte rouge sang, mais toujours baigné comme son homologue européen des morts qui hantent vos rêves une fois la nuit tombée. Malgré quelques longueurs au premier acte, Dada Masilo offre une nouvelle fois une formidable relecture d’un grand ballet du répertoire, mettant en lumière toute sa modernité tout en faisant sienne cette oeuvre pourtant si souvent revisitée. Pourquoi Giselle continue de traverser les siècles, d’attirer toutes les ballerines et de fasciner le public décennie après décennie ? Parce que derrière un certain folklore (tutus blancs et compagnie) il y a quelque chose d’universel. Tomber amoureux, être trompé, être humilié, être trahi, pardonner ou se venger, le poids des classes sociales aussi. C’est tout ce que garde Dada Masilo en reprenant Giselle, qu’elle transpose dans les campagnes de l’Afrique du Sud. Malgré les changements de décor, les habitué-e-s de Giselle ne sont ainsi pas dépaysé.e.s. On retrouve les paysans et paysannes, en pleine fête, dansant au son des musiques traditionnelles et entourant la plus belle, Giselle, celle qui danse le mieux, celle qui rayonne le plus. La fête est interrompue par les dirigeants qui les poussent à se remettre au travail. Mais l’un d’eux, enlevant son pourpoint bleu soyeux, se glisse parmi les paysans pour séduire la jolie Giselle, malgré les mises en garde de son soupirant  Comme dans ses autres pièces, la danse de Dada Masilo est un percutant mélange de danse contemporaine et danse africaine, ou des mouvements parfois presque académiques (Albrecht a la vraie élégance des princes) se mêle à des gestes percussifs, proposant ainsi une chorégraphie des plus actuels sans se déconnecter de ses racines. La musique est ici celle du compositeur Philip Miller, qui s’est inspiré de la partition d’Adolphe Adam en la triturant et y ajoutant des voix africaines, des percussions traditionnelles ou quelques instruments à cordes. Il faut cependant bien tendre l’oreille pour reconnaître à de rares moments la partition originale. Et c’est presque dommage, car si la musique proposée colle parfaitement au rythme de la chorégraphe, il aurait été intéressant de voir comment Dada Masilo s’empare de la partition originale. Ce sont cependant bien ses danses de groupe paysannes qui portent ce premier acte, peut-être un peu plus que la trame en soi qui parfois se perd un peu. Bref, séduction, trahison, vous connaissez l’histoire. Giselle, se rendant compte de la tromperie, sombre dans la folie. Sauf qu’ici, cela se fait en pleine solitude. Délaissée par ses proches, seule au milieu de la nuit, Giselle reprend les danses du matin. Mais d’une façon plus saccadée, plus nerveuse, de plus en plus folle, jusqu’à s’écrouler, seule, dans sa petite chambre. C’est là que démarre l’acte blanc. Ou plutôt l’acte rouge sang, la couleur des tenues des Willis d’Afrique du Sud. Ce sont elles qui viennent chercher Giselle - ou son âme - pour l’inclure dans ce groupe des personnes au coeur trahi qui ne pensent qu’à se venger. Contrairement à leurs consoeurs européennes, elles ne sont pas fragiles, elles ne sont pas peureuses. Les Willis de Dada Masilo sont de véritables créatures démoniaques, envahies par leur seule envie de vengeance. Seule la mort de la personne qui a trahi leur permettra de quitter enfin le monde des vivants. Et comme nous sommes au XXIe siècle, les Willis sont ici aussi des hommes, tous les sexes ayant eu un jour le coeur brisé. Ces créatures fascinantes et donnant le frisson ont une cheffe. Myrtha devient une Sangoma, une guérisseuse traditionnelle. Véritable et sublime amazone, à la crinière flamboyante et au fouet qui claque, son regard semble porter en lui toutes les âmes trahies de l’humanité. L’on comprend ainsi très vite que, dans cette nouvelle Giselle, il n’y aura pas de pardon. Et que cet acte rouge sang sera une longue mise à mort, d’Hilarion d’abord, d’Albrecht ensuite. Comme dans la version traditionnelle, ce sont d’abord Myrtha et l’ensemble qui commencent à s’occuper du coeur volage. Mais quand Giselle apparaît, il est inutile de lui demander son pardon. C’est elle la plus déterminée à se venger, c’est elle qui va asséner le coup de grâce. Au loin dans la musique résonne l’extrait des 32 entrechats, mais rien n’y fera. Les Willis rouge sang partent dans une danse guerrière et percutante. Elles ne jouent pas à être des fantômes, même si l’on se demande si ce n’est pas dans ses rêves qu’Albrecht est torturé. Si ce n’est pas le remords qui le rend fou à son tour plutôt que les coups de fouet. C’est là toute la grâce de Dada Masilo : arriver, comme le ballet, à naviguer sans cesse entre rêve et réalité. Les Willis sont-elles réelles ou ne sont-elles que la représentation des troubles de notre âme ? Giselle n’a pas fini de nous fasciner.

«Giselle», ballet romantique revu par Akram Khan. 

Article de Christian Jad

«Giselle», c’est la mère de tous les ballets romantiques, la belle histoire triste d’une jeune paysanne (Giselle) séduite par un aristocrate, Albrecht. Dénoncée par son amoureux le garde-chasse Hilarion elle en meurt et entre au royaume des Wilis. La vindicative Reine Myrtha y règne sur les fantômes de vierges mortes. Mais victime généreuse, Giselle sauve Albrecht de la mort. Un mythe romantique qu’Akram Khan transpose dans le monde contemporain des migrants aux prises avec une mondialisation qui les exploite et une Europe qui leur ferme les portes. Une réflexion politique et spirituelle sur l’état du monde et un chef d’œuvre esthétique qui transcende l’original. Metteur en scène anglais originaire du Bangla Desh Akram Kahn est célèbre pour avoir réussi la synthèse entre la danse moderne et la danse indoue kathak, par exemple dans «Kaash», scénographié par Anish Kapoor ou «Zero degrees» conçu en collaboration avec Sidi Larbi Cherkaoui, l’actuel co-directeur de l’Opera Ballet Vlaanderen, dont la troupe interprète avec brio ce «Giselle» créé à Londres en 2016.


Avec «Giselle», Akram Kahn butte sur l’image d’une femme faible dans un monde paysan qui n’est plus le nôtre, sur une chorégraphie splendide mais datée de Marius Petitpas et sur une musique romantique à moderniser. De ces obstacles il fait une force. Giselle, une femme forte, pas une victime. L’héroïne sera donc une femme forte, volontaire et plus la femme fragile et sentimentale, vue par l’Homme patriarcal et toutes les religions (juive, chrétienne, musulmane ou hindoue). Elle fait partie d’un groupe de travailleurs du textile, exploités chez eux, emportés dans le flux migratoire et aux prises avec la xénophobie et le protectionnisme européen. Un des points de départ affectifs et effectifs de cette transposition c’est le drame du Rana Plaza à Dacca, capitale du Bangla Desh. En 2013 plus de mille ouvriers du textile travaillant pour les grandes marques mondiales trouvèrent la mort dans l’effondrement de leurs fragiles ateliers de confection. Cet épisode nourrit le 2 è acte où les âmes mortes des victimes du Rana Plaza se confondent avec les âmes mortes des Willis qui vengent les vierges victimes des hommes dominants .Mais sont ici elles sont armées d’aiguilles à coudre géantes qui rappellent les ouvrières massacrées par négligence. La « lutte des classes « (et des sexes ? tout est lié ici) entre paysans et aristocrates terriens devient donc celle de migrants exploités par des groupes industriels mondiaux dans leur pays et qui se heurtent à une Europe barricadée. Les personnages masculins sont eux aussi transformés. Albrecht est le fils de propriétaires d’ateliers «pourris». Akram Kahn donne autant d’importance à Hilarion, le rival jaloux et complexe, homme du peuple qui dénonce Giselle enceinte d’Albrecht (pas dans l’original ! ) provoquant sa mort. Transformation aussi de Myrtha, la Reine des Wilis, la «mauvaise» dans l’original, nuancée ici comme un double de Giselle. La colère de l’une précède le pardon de l’autre mais elles sont les deux faces de la même médaille. Nuance aussi pour le pardon final de Giselle à Albrecht : plus d’amour romantique au-delà de la mort, plus de réconciliation en forme de happy end. Giselle et Albrecht restent de chaque côté de la frontière symbolique, ce mur qui tombe à la fin des deux actes, symbole de la séparation des riches et des pauvres puis de la vie et de la mort.

Une fresque sur l’état du monde. Un chef d’œuvre esthétique. Attention : ne croyez pas qu’Akram Kahn fasse de la «danse engagée» comme on fit jadis du théâtre du même nom. On n’est pas dans le «réalisme socialiste» mais dans un réalisme magique où la scénographie et les costumes sombres de Tim Yip évoquent le réel sans l’imiter servilement. Le constat politique est transcendé par l’art, la spiritualité, la beauté formelle de l’œuvre où danse, musique, fresque picturale en clair-obscur forment un tout transcendant.


Dans la «Giselle» d’Akram Khan, les personnages sont plus symboliques que réalistes, universels comme des archétypes sensibles. L’important n’est pas l’intrigue et la psychologie des protagonistes fort connus mais la qualité formelle et émotionnelle de la chorégraphie, avec ce corps de ballet en appui constant de splendides duos ou solos qui déroulent leurs volutes dynamiques devant nous. Avec des trouvailles visuelles et chorégraphiques inoubliables comme la mort de Giselle, telle une fleur qui surnage portée par les corps ondoyants d’un groupe de femmes. Bouleversant.


De la musique originelle d’Adolphe Adam, appréciée de St Saëns et de Tchaïkovski, Vincenzo Lamagna ne garde que des échos, qui inspirent certaines séquences majeures de la chorégraphie d’Akram Khan. Sa composition électro-acoustique est en harmonie avec les bruits et rythmes d’un monde angoissant.

Giselle de Mats’Ek

La relecture de Giselle par Mats Ek, créée en 1982 pour le Ballet Cullberg, est l’une des interprétations modernes les plus marquantes du ballet romantique. Mats Ek, chorégraphe suédois par sa mère Birgit Cullberg, adopte une approche audacieuse en réinterprétant ce chef-d’œuvre de manière contemporaine. Sa version conserve les thèmes fondamentaux de l’amour, de la trahison et du pardon, mais transposés dans un cadre réaliste et psychologique, transformant ainsi Giselle en un ballet d’une grande profondeur émotionnelle. Ce cours propose une analyse de cette œuvre, en explorant son contexte et ses influences, la réinterprétation du thème et des personnages, ainsi que les innovations chorégraphiques et scéniques de Mats Ek.

I. Contexte et intentions de Mats Ek

Mats Ek est issu d’une lignée artistique influente. Formée au théâtre et influence par le travail dramatique de sa mère, la chorégraphe Birgit Cullberg, il se distingue par un style unique, caractérisé par une gestuelle expressive, une forte dramaturgie et une exploration psychologique des personnages.

Le Contexte de Création : Giselle de Mats Ek est créée en 1982, à une époque où la danse contemporaine cherche à s’émanciper des codes classiques pour offrir des perspectives nouvelles. Cette relecture fait partie d’une série de réinterprétations de ballets classiques, dans laquelle Ek revisite également Le Lac des Cygnes et La Belle au Bois Dormant . Son Giselle est ancrée dans un monde moderne et décapant, loin des forêts et du mysticisme du XIXe siècle .

Intentions Artistiques : Mats Ek vise à rapprocher le ballet de la réalité contemporaine. En remplaçant les Wilis par des femmes hospitalisées en institution psychiatrique, il aborde des thèmes de marginalisation et de folie, tout en accentuant la fragilité émotionnelle des personnages. Sa chorégraphie explore les limites psychologiques, loin de la légèreté romantique : ici, Giselle devient une figure complexe et tourmentée, reflétant des enjeux sociaux actuels.

II. Réinterprétation du Thème et des Personnages

Dans cette version, Mats Ek déconstruit les archétypes du ballet romantique pour leur donner une portée plus profonde et psychologique :

Giselle comme Héroïne Psychologique : La Giselle d’Ek est une femme marginalisée et vulnérable, mais loin d’être idéalisée comme dans la version romantique. Elle incarne une figure contemporaine aux prises avec des troubles émotionnels. Son amour pour Albrecht est intense mais destructeur, et la trahison entraîne une échéance psychologique plus qu’un simple effondrement émotionnel. La folie de Giselle n’est plus métaphorique ; elle devient une réalité tangible et sombre.

Les Wilis et le Thème de l’Institution : Dans cette relecture, les Wilis ne sont plus des esprits éthérés, mais des femmes internées dans un hôpital psychiatrique. Mats Ek aborde le thème de l’enfermement et de l’aliénation sociale, transformant la vengeance des Wilis en une expression de douleur et de perte. Ces « Wilis » contemporaines incarnent les exclus, les délaissées de la société, donnant ainsi au ballet une dimension de critique sociale et de réflexion sur la santé mentale.

Albrecht et Hilarion : Albrecht, ici, n’est plus le noble séducteur, mais un homme attiré par Giselle sans bien comprendre son monde et ses souffrances. Hilarion, quant à lui, devient un personnage moins caricatural, dont les motivations apparaissent plus compréhensibles dans le contexte d’un amour inavoué et de la frustration. Ces transformations enrichissent la relation entre les personnages et introduisent des nuances absentes de la version classique ​​.

III. Innovations Chorégraphiques et Scéniques

Mats Ek utilise une gestuelle intense et une scénographie épurée pour conférer à Giselle une expressivité brute et sans fard :

La Gestuelle d’Ek : Entre le Contemporain et le Dramatique : Ek utilise des mouvements angulaires, saccadés et peu académiques, souvent proches de la danse-théâtre, pour exprimer la détresse émotionnelle et la marginalisation des personnages. La gestuelle de Giselle est marquée par des contorsions et des mouvements de réponse, reflétant à la fois son isolement et sa souffrance intérieure. Cette chorégraphie rompt avec la grâce et la légèreté des pas romantiques pour un langage plus terre-à-terre et viscéral ​​.

La Scénographie : La mise en scène d’Ek est volontairement dépouillée, accentuant les duretés de l’univers dans lequel évoluent les personnages. L’action se déroule dans un environnement sobre, évoquant un espace hospitalier ou un lieu d’isolement, qui contraste avec le cadre bucolique du ballet romantique original. Les décors minimalistes soulignent la solitude des personnages et créent une atmosphère oppressante, en totale adéquation avec la proposition psychologique de l’œuvre.

Transformation des Pas de Deux et des Variations : Dans la version d’Ek, le pas de deux traditionnel entre Giselle et Albrecht est transformé en une série de confrontations physiques, où la danse exprime une lutte plus qu’un échange amoureux. Les portés, les enlacements et les tensions corporelles deviennent le reflet d’une relation intense et douloureuse, brisant l’idéalisation de l’amour romantique pour une réalité plus âpre et conflictuelle.

IV. L’Héritage de Giselle pour les Chorégraphes Modernes

La version de Giselle par Mats Ek est aujourd’hui reconnue comme une œuvre majeure qui a su redéfinir les codes du ballet classique :


Un Impact Durable sur le Ballet Contemporain : Avec cette relecture, Mats Ek démontre que les classiques peuvent être revisités pour porter des messages contemporains et sociaux. Son approche innovante ouvre la voie à d’autres chorégraphes qui cherchent à moderniser les œuvres classiques en y intégrant des thèmes actuels.



Réactions du Public et de la Critique : Giselle de Mats Ek a suscité des réactions contrastées à sa création. Certains puristes ont été déconcertés par le traitement audacieux et peu orthodoxe de l’œuvre, tandis que d’autres y ont vu une interprétation puissante et visionnaire qui révélait des aspects souvent oubliés du personnage de Giselle. Cette réception ambiguë témoigne de l’audace de Mats Ek et de son succès à interpeller le public sur des sujets de société à travers la danse.


Influence sur la Chorégraphie Moderne : Cette œuvre a influencé des chorégraphes comme Akram Khan et Dada Masilo, qui eux aussi se sont emparés de ballets classiques pour les réinterpréter dans une perspective sociale et personnelle. L’œuvre d’Ek reste un exemple de créativité et d’audace, et continue de montrer aux artistes contemporains que le ballet est un médium capable de transmettre des messages profonds et universels.


La Giselle de Mats Ek se distingue par sa réinterprétation intense et réaliste, qui fait écho aux préoccupations modernes tout en respectant l’essence tragique et romantique de l’œuvre. En utilisant une chorégraphie expressive, des décors minimalistes et une approche psychologique des personnages, Ek transforme Giselle en un ballet profondément humain, ancré dans les réalités de la société contemporaine. Cette œuvre novatrice rappelle que le ballet est un art vivant, capable de se renouveler et de s’adapter aux problématiques modernes, tout en restant fidèle à sa nature émotionnelle et expressive.

ACTIVITES 4

Sujet: “En vous appuyant sur les chorégraphes qui témoignent d’approches innovantes, vous montrerez comment la danse s’est affranchie des codes académiques» - Focus sur les relectures de Giselle


INTRODUCTION   

Accroche


Définition mot clef 1 + Questionnement


Définition mot clef 2 + Questionnement


Définition mot clef 3 + Questionnement


Questionnements + Problématique


Plan

PARTIE 1   Ce que je vais démontrer dans cette partie: 


Argument 1 (œuvre au programme)


Argument 2 (œuvre hors programme)


Transition


PARTIE 2   Ce que je vais démontrer dans cette partie: 


Argument 1 (œuvre au programme)


Argument 2 (œuvre hors programme)


Transition

PARTIE 3   Ce que je vais démontrer dans cette partie: 


Argument 1 (œuvre au programme)


Argument 2 (œuvre hors programme)


Transition

ACTIVITES 5

A l’aide de la grille d’évaluation des écrits des épreuves du baccalauréat spécialité DANSE, évaluer les copies des camarades de classe et proposer une appréciation argumentée de votre notation. 

Séquence d'apprentissage 2

Sujet : Comment et pourquoi les chorégraphes du 20 éme siècle ont revisité le lac des cygnes? vous répondrez à cette question notamment en analysant les différents axes de relecture possibles du lac des cygnes.

ACTIVITES 1 pour comprendre le sujet:

Comment et pourquoi les chorégraphes du 20 éme siècle ont revisité le lac des cygnes? A partir des images ci dessous, trouver les différences et ressemblances de ces quatre lacs des cygnes?

Le lac des cygnes, Mats Ek, Ballet Cullberg, 1987

Le lac des cygnes Matthew Bourne, 1995

Le lac des cygnes, Masilo Dada, 2012

ACTIVITES 2 pour comprendre le sujet:

Trouvez des arguments autour des trois relectures du lac des cygnes étudiées en analysant les vidéos suivantes et en vous aidant des documents proposés..


Table 1/partie 1: Les chorégraphes transforme l’œuvre initiale en s’appropriant le thème

Table 2/partie 2: Les chorégraphes transforme l’œuvre initiale en s’appropriant l’écriture chorégraphique

Table 3/partie 3: Les chorégraphes transforme l’œuvre initiale en s’appropriant la scénographie


Le lac des cygnes de Mats Ek

Le lac des cygnes de Masilo Dada

Le lac des Cygnes, Petipa & Ivanov

-HISTOIRE DU BALLET

Le jeune prince Siegfried fête sa majorité. Sa mère lui annonce que le jour suivant, au cours d’un grand bal pour son anniversaire, il devra choisir une épouse. Vexé de ne pouvoir choisir celle-ci par amour, il se rend durant la nuit dans la forêt. C’est alors qu’il voit passer une nuée de cygnes. Une fois les cygnes parvenus près d’un lac, il épaule son arbalète, s’apprêtant à tirer, mais il s’arrête aussitôt ; devant lui se tient une belle femme vêtue de plumes de cygne blanches. Enamourés, ils dansent et Siegfried apprend que la jeune femme est en fait Odette. Un terrible sorcier, Von Rothbart, la captura et lui jeta un sort ; le jour, elle serait transformée en cygne et la nuit, elle redeviendrait femme.. Ayant appris son histoire, le prince Siegfried, fou amoureux d’elle, ressent alors beaucoup de pitié pour elle. Il commence à lui déclarer son amour - ce qui rend le sort de plus en plus impuissant. Von Rothbart apparaît. Siegfried menace de le tuer mais Odette intervient ; si Von Rothbart meurt avant que le sort ne soit brisé, le sort sera irréversible. Le seul moyen de briser le sort est que le prince épouse Odette.

Le lendemain, au bal, à la suite des candidates fiancées, survient le sorcier Rothbart, avec sa fille Odile, vêtue de noir (le cygne noir), qui est le sosie d’Odette. Abusé par la ressemblance, Siegfried danse avec elle, lui déclare son amour et annonce à la cour qu’il compte l’épouser. Au moment où vont être célébrées les noces, la véritable Odette apparaît. Horrifié et conscient de sa méprise, Siegfried court vers le lac des cygnes. 

Il existe différentes fins :

▪ L’amour véritable d’Odette et de Siegfried vainc Von Rothbart, qui meurt ;

▪ Siegfried ayant déclaré son amour à Odile, il condamne, sans le savoir, Odette à demeurer un cygne pour toujours. Elle se suicide en se jetant dans les eaux du lac. Le prince se jette lui aussi dans le lac. Cet acte d’amour et de sacrifice détruit Von Rothbart et ses pouvoirs et les amants s’élèvent au paradis en une apothéose ;

▪ Siegfried court au lac et supplie Odette de lui pardonner. Il la prend dans ses bras mais elle meurt. Les eaux du lac montent et les engloutissent tous les deux;

▪ Siegfried ayant déclaré son amour à Odile, il condamne, sans le savoir, Odette à demeurer un cygne pour toujours. Odette s’envole sous la forme d’un cygne et Siegfried est abandonné.

-COLLABORATIONS

Ballet en 4 tableaux et une apothéose (la fin) crée en 1895 au théâtre Marinski de St Petersbourg

Musique Tchaïkowski

Le Lac des cygnes est le premier ballet dont la musique fut créée par un compositeur symphonique. Depuis la seconde moitié du xixe siècle, on confiait habituellement la partition à des compositeurs connus et spécialisés dans la musique de ballet : ils créaient de nombreuses mélodies, claires, enjouées, rythmées, en vogue pour le ballet. Tchaïkovski admirait surtout la musique de Léo Delibes ou d’Adolphe Adam. La partition de Giselle (1844) d’Adolphe Adam lui plaisait beaucoup : Adam avait utilisé la technique du leitmotiv, en associant des thèmes à un personnage ou une atmosphère ; C’est ce que fit Tchaïkovski dans le Lac des cygnes ou La Belle au bois dormant. Tchaïkovski composa la musique du ballet entre août 1875 et avril 1876. La Danse russe de l’acte III fut ajoutée en février 1877 et le pas de deux de l’acte III en avril 1877. 

Chorégraphie de Marius Petipa pour les actes 1 et 3 et de Ivanov pour les actes 2 et 4

On remarque le contraste des styles différents des deux chorégraphes

- Petipa: virtuosité pompeuse, brillants pas de trois, danse paysanne, danses de caractères du bal et fameux pas de deux du cygne moir

- Ivanov: douce poésie au bord du lac, inspirée du lyrisme de la partition musicale, Déploiement du corps de ballet féminin d’une grande richesse, sensibilité des ports de tête et des ports de bras

Ces deux styles assemblés ne nuisent pas à la cohésion du spectacle

 MAÎTRES, ECOLE, FILIATION

- Ecole de danse de St Pertersbourg

- Devient le protégé de Diaghilev directeur des ballets russes en 1908 qui le licenciera en 1913 parce qu’il s’est marié pour le ré engager en 1916 pour ses tournées américaines

- S’appuiera sur L’Eurythmie de Dalcroze pour créer le Sacre 

SOURCES D’INSPIRATION

La thématique : importance du thème du cygne dans l’imaginaire occidental à travers des références philosophiques et littéraires de Platon à Mallarmé, musicales (exemple : Lohengrin de Richard Wagner), filmiques (exemple : Ludwig de Luchino Visconti) et du thème de la métamorphose nocturne de la femme dans la mythologie populaire ; Les légendes de jeunes filles transformées en cygne par maléfice sont présentes dans de nombreuses mythologies et dans l’œuvre de nombreux écrivains. Ces légendes sont à l’origine ici du thème très romantique du “drame de la fatalité”. Petipa l’adoucit et tend à en faire en conte de fées 


COMMENTAIRES & héritage

Les relectures nombreuses du Lac des cygnes restent romantiques ou bien s’intéressent de plus en plus à la personnalité du prince, aux motivations psychologiques qui l’animent jusqu’à suggérer une homosexualité latente

1976 Neumeier, fait référence à Louis II de Bavière.

1986 Mats Ek en donne une version très psychanalytique 

1987 Noureev

1995 Matthew Bourne (Swan Lack) qui confie la figure des cygnes à un corps de ballet masculin peut créer son propre rythme (musicalité intérieure) ou suivre un rythme extérieur (musique) ou « jouer » avec le rythme (s’en distancier, le retrouver, l’inverser,...).

Syntaxe, écriture spatiale, phrasé

Petipa développe le “grand ballet” en 3 ou 4 actes qui dure toute une soirée avec mise en scène imposante et nombreux interprètes. Il construit ses intrigues en alternant pantomime et séquences dansées. Il déploie le corps de ballet dans des espaces géométriques (lignes diagonale, cercle) dans des formes empruntées aux codes sociaux (révérences, défilés), invente des danses de groupe (pas de six, cinq, trois). Il met en valeur les solistes dans des soli et dans les pas de deux auquel il donne sa strucutre (adage, variation homme, variation femme, coda). Il adapte ses pas aux qualités de ses interprètes féminines laissant à d’autres chorégraphes l’écriture des rôles masculins. Il affectionne les divertissement de caractère (italien polonais, espagnol, russe) et emprunte leurs pas aux danses traditionnelles

Il recherche la virtuosité dans ses enchainements de pas comme par exemple dans la série de fouettés d’Odette 

La ballerine italienne Pierina Legnani, excellente danseuse, durant le « grand pas » de l’Acte III fit, en improvisant, trente-deux fouettés en tournant et fut la première ballerine à avoir accompli un tel exploit. Le public impressionné demanda un bis, et elle répéta ce qu’elle venait de faire, avec vingt-huit fouettés en tournant. Selon la presse, la ballerine ne « bougea pas d’un pouce de l’endroit où elle avait commencé » ses fouettés. Les fouettés en tournant restèrent depuis lors dans la chorégraphie du Lac des cygnes.


Matthew Bourne - Chorégraphe anglais


Biographie Matthew Bourne

C’est assez tardivement, à l’âge de 22 ans, que Matthew Bourne entame ses études de chorégraphie au Laban Centre. 

Suite à sa formation, il fonde en 1987 sa propre compagnie de danse et la baptise Adventures in Motion Picture. Sa première production s’intitule ‘Overloap Lovers’ et marque le début de sa carrière de chorégraphe. Son oeuvre la plus vue est certainement la séquence finale du film ‘Billy Elliot’ où le danseur éponyme interprète ‘Le Lac des cygnes’. 

Passionné par le répertoire du ballet russe, Matthew Bourne monte ‘L’Oiseau de feu’ de Stravinski en 1988, ‘Casse-Noisette’ de Tchaïkovski en 1993 ou encore ‘Cendrillon’ de Prokofiev en 1997. Aussi à l’aise dans la chorégraphie de ballets classiques que dans la création de comédies musicales, Bourne développe des adaptations qui rencontrent un succès mondial. Le chorégraphe entame en 2005, une tournée mondiale avec son adaptation de ‘Edward aux mains d’argent’ d’après le film de Tim Burton. 

Lauréat de nombreux prix, Matthew Bourne est un chorégraphe ambitieux et populaire, depuis 2006,il est résident permanent avec sa compagnie du Sadlers Wells Theatre.


Interview de Matthew Bourne :

À l’occasion de la reprise de son spectacle à Paris, Matthew Bourne a donné une interview qui éclaire sa conception du ballet en général et du Lac des cygnes en particulier.


Qu’est-ce qui vous attire dans les œuvres classiques ? Une musique superbe et des histoires superbes. Mais par-dessus tout, je dois dire que c’est la musique qui m’attire initialement. Je n’ai pas de formation musicale formelle et je peux donc uniquement étudier la musique en l’écoutant à de multiples reprises jusqu’à ce que j’aie l’impression de la comprendre (...). Il faut que j’aime passionnément la partition avec laquelle je travaille et que je ressente le désir de la communiquer au public. C’est pourquoi je suis attiré par les grands ballets et par la musique de Tchaïkovski en particulier. Elle est tellement mélodique, dramatique, palpitante que je ne m’en lasse jamais (...). Les grands ballets ont également des scénarios très simples mais puissants, qui s’intéressent aux thèmes universels de l’amour et de la trahison, du bien et du mal et créent une atmosphère constante de magie et de mystère. À partir de là, je peux développer une version très personnelle autour de l’histoire d’origine.


Qu’est-ce qui vous a particulièrement attiré dans le Lac des Cygnes ? C’est le premier ballet auquel j’ai assisté, interprété par le Scottish Ballet en 1979. Auparavant, mes seuls contacts avec la danse avaient été au cinéma et dans les comédies musicales. Mon idole était Fred Astaire. J’étais très surpris par la vitesse du mouvement des cygnes. Comme je n’avais jamais vu de ballet, je pensais que ce serait un spectacle majestueux et lyrique mais c’était bizarre et merveilleux. J’étais mordu ! (...) La variété de cette œuvre m’attire également beaucoup. J’entrevoyais la possibilité de créer une histoire très humaine, dotée d’un énorme potentiel dramatique, de me laisser aller à mes tendances plus satiriques et humoristiques tout en créant des suites entières de mouvements abstraits, tout cela sur la musique de danse parmi les meilleures jamais composées. Irrésistible ! 


Pourquoi un cygne mâle ? L’idée d’un cygne masculin est tout à fait logique pour moi : la force, la beauté, l’envergure des ailes de ces oiseaux me rappelle la musculature d’un danseur beaucoup plus qu’une ballerine en tutu blanc. La ballerine réussit à suggérer la beauté sereine de l’oiseau qui glisse sur l’eau mais l’une de ces images que nous avons étudiées durant les répétitions était un film au ralenti d’un cygne qui attaquait un petit bateau de pêche (pour protéger ses petits, je crois) et c’était terrifiant. Nous voulions exprimer le côté plus violent des cygnes. C’était également plus facile de créer une nouvelle chorégraphie et de nouvelles images avec ce changement de sexe. La vision d’une ballerine dans le rôle du cygne est tellement incrustée dans l’esprit de chacun qu’il aurait été extrêmement difficile de remplacer cette image par mes idées si j’avais utilisé des danseuses. En utilisant des hommes, on efface toutes ces images dans l’esprit du public et on libère son imagination (...). 

Je pense également que je voulais faire des expériences avec la danse masculine, tenter de créer quelque chose de beau et de lyrique pour les danseurs en laissant leur virilité absolument intacte. Je voulais aussi que les scènes où figurent les cygnes soient chargées de sexualité, de sensualité et d’audace, mais sans la parade d’égos machistes qui est l’apanage de beaucoup de chorégraphies réalisées pour des danseurs. 

Le lac des cygnes et l’identité sexuelle

Au XXIe siècle, plus de cent ans après sa conception, il est difficile de trouver une compagnie de ballet qui n’ait pas joué Le Lac des cygnes. Le Lac des cygnes fut le premier ballet de Tchaïkovski et fut créé en 1877. La production originale chorégraphiée par Julius Reisinger n’a pas été un succès absolu, mais a été suffisante pour encourager Tchaïkovski à continuer à écrire des ballets sous la forme de La Belle au bois dormant et Casse-Noisette. En se référant à lui-même, on donne l’impression que Tchaïkovski a abordé sa propre mélancolie dans l’œuvre ainsi que la relation entre lui et le destin.

 La relation entre Tchaïkovski et son écriture symphonique, la Symphonie n° 6 en particulier, est explorée en profondeur par Timothy Jackson. Au début, il n’acceptait que mon amour, mais maintenant il semble y répondre. Nous acceptons qu’il n’y aurait aucune preuve documentée d’une relation amoureuse entre les deux, mais il est clair que Tchaïkovski avait des sentiments pour son neveu qui étaient plus intenses que ceux d’un oncle, désignant également Davidov comme son héritier à sa mort. Jackson s’appuie sur cela, citant « l’amour innommable de Tchaïkovski pour Bob » comme programme et message qu’il voulait révéler au public dans la Symphonie pathétique.

 Bien que Tchaïkovski y ait eu peu d’implication directe lui-même, c’est la version qui est encore jouée aujourd’hui. Il a eu beaucoup de succès et c’est la production qui a le plus influencé les chorégraphes ultérieurs tels que Matthew Bourne. Bien que de nombreux ballets aient subi des changements d’intrigue et de structure après leur première édition, les deux versions du XIXe siècle du Lac des cygnes ont conservé la même structure d’intrigue. Le Lac des cygnes raconte l’histoire de Siegfried, un prince à qui on dit qu’il doit se marier, après quoi il part à la chasse avec ses amis et rencontre Odette.

 Odette explique qu’elle est liée par la malédiction maléfique de Rothbart qui ne peut être brisée que lorsque quelqu’un lui promet son amour. Siegfried le fait et l’acte se poursuit avec une série de pas de 

deux et de danses d’ensemble du corps de ballet. Dans le livre, La vie et les lettres de Tchaïkovski, il n’y a que neuf mentions du Lac des cygnes, y compris une discussion sur les raisons pour lesquelles il a été choisi comme sujet et son manque de succès en 1877. Compte tenu du thème de l’amour impossible, il n’est pas inconcevable que Modest ait supprimé des lettres qui, selon lui, pourraient nuire à la réputation de Tchaïkovski.

 Le Lac des cygnes de Matthew Bourne sera discuté au chapitre quatre, et mentionné dans le chapitre trois. Cette production de 1995 aborde directement le thème du cygne et de l’amour impossible et a reçu un succès considérable. Son utilisation de cygnes mâles à la place du corps féminin a attiré l’attention, changeant évidemment la nature de la relation entre Siegfried et le cygne et la rendant homosexuelle. Cela rend la production de Bourne très importante dans le contexte d’une considération du Lac des cygnes et de la propre vie de Tchaïkovski.

 Bourne a discuté de l’influence du cygne dans un certain nombre d’interviews, ce qui aide à démontrer l’impact qu’il a sur la production. L’idée de l’amour impossible et son lien avec l’homosexualité sont donc une composante importante de la production de Bourne.

Avant de regarder le ballet de Tchaïkovski, la place du cygne dans l’histoire culturelle à travers l’Europe doit être examinée, en particulier son utilisation comme symbole de qualités allant du pouvoir à la beauté, y compris dans la mythologie, la poésie et l’art. Les cygnes du ballet sont probablement influencés par beaucoup de ces cygnes historiques. À partir de la mythologie grecque, Léda, reine de Sparte, a été séduite par le dieu Zeus sous les traits d’un cygne. Outre le conte de Léda, le cygne est également lié au dieu Apollon et Aphrodite, dont le char était tiré par des cygnes.

L’association du cygne avec d’autres dieux suggère l’apparence d’un cygne comme un choix logique pour Zeus pour attirer Léda. La légende de Léda et du Cygne a été immortalisée au fil des ans dans la peinture et la poésie, inspirant de nombreuses perspectives différentes. Dans une autre légende germanique liée aux cygnes, le dieu Odin préside le Valhalla, la demeure des morts. Les Valkyries prendraient l’apparence d’un cygne, leurs vêtements avec des plumes de cygne leur permettant de voler.

 Si une jeune fille était vue avec un humain sans son apparence de cygne, elle deviendrait mortelle. L’apparence majestueuse du cygne, représentant un puissant guerrier associé à la mort, prend ainsi la parole. Une autre connexion wagnérienne se trouve à Lohengrin où le héros éponyme voyage sur un bateau tiré par un cygne. Lohengrin a touché une corde sensible avec le roi de Bavière, Louis II, souvent connu sous le nom de roi cygne ou roi fou de Bavière.

 Ludwig aimait le cygne pour sa « beauté et sa distance royale » et son association avec la retraite de sa famille à Hohenschwangu. L’amour de Ludwig pour les cygnes était démontré par les images d’eux qu’il possédait et le scellement de ses lettres avec un cygne et une croix. Regarder les opéras de Wagner a donné vie à son amour des cygnes, ce qui l’a conduit à une amitié personnelle avec le compositeur. Les sentiments forts de Ludwig à propos de Lohengrin sont démontrés par l’organisation d’une performance avec un acteur habillé comme le personnage de Lohengrin, tiré à travers un lac par un cygne artificiel accompagné d’un orchestre jouant les passages pertinents de l’opéra.

 Le statut royal et prestigieux des cygnes ici est magnifié par l’obsession du roi Louis II ainsi que par son statut. Le roi Louis II et son obsession du cygne ont également influencé le personnage de Siegfried dans les productions du Lac des cygnes, comme on le découvrira dans les chapitres suivants. La relation entre le roi Louis II et les cygnes fait entrer le cygne, son imagerie et son symbolisme dans le même siècle que Tchaïkovski. La dernière association avec les cygnes est le concept d’un chant du cygne, l’idée qu’avant de mourir, un cygne, muet toute sa vie, chanterait une belle mélodie.





PARTIE I LE BALLET AU XIXE SIÈCLE

On peut également noter que les cygnes ont beaucoup en commun avec le danseur de ballet classique. Laroche croyait que c’était cette évasion du réalisme qui attirait Tchaïkovski vers le ballet. Warrack a également déclaré cela, décrivant l’opéra comme une expression de la vie et le ballet comme un soulagement de la vie. Cela pourrait peut-être être la raison pour laquelle les sentiments de Tchaïkovski sont projetés sur le cygne.

 Dans une forme d’art qui était considérée comme éloignée du réalisme, personne à l’époque ne jugerait que le ballet aurait pu être une projection des sentiments intérieurs de Tchaïkovski. Ceci est différent de son écriture symphonique où le programme autobiographique et le lien avec son neveu dans la Sixième Symphonie ont clairement créé le lien que Tchaïkovski était homosexuel, comme discuté précédemment. De cette façon, le ballet était à la fois une évasion du thème du réalisme, mais aussi une évasion de la vie réelle dans laquelle Tchaïkovski ne pouvait pas avoir la vie qu’il désirait. Marius Petipa Le ballet russe dans la seconde moitié du XIXe siècle était dominé par Marius Petipa, danseur de ballet et chorégraphe français, qui a transmis les idées et les traditions de l’école de ballet française.

 Le ballet russe qui met en valeur les acrobaties et la virtuosité technique du ballet classique. « Bien que les histoires d’amour et les choix faits par les personnages aient été racontés du point de vue des deux sexes, ceux qui sont orientés vers les hommes sont les plus connus. Giselle, La Sylphide et Le Lac des cygnes sont toutes des œuvres canoniques du répertoire du ballet. Le Lac des cygnes illustre le ballet romantique sous Petipa en mettant l’accent sur les femmes et la danse féminine et avec le cygne, symbole de l’amour impossible, devenant le point culminant de l’histoire. .

 Comme l’explique Burt, les hommes devaient choisir entre la « bonne » personne et celle qui est « plus romantique et inaccessible ». Bien qu’ils soient basés sur le modèle romantique, chacun a une issue tragique et promeut le thème de l’amour impossible. Giselle et La Sylphide Se concentrer sur Giselle et La Sylphide, que Scholl appelle l’inspiration de Petipa, met en lumière la figure délicate comme un type de ballet. En tant que corps de wilis, ce ballet met l’accent sur les qualités féminines, sans parler de mettre en avant une association entre la couleur blanche et les robes de mariée.

 Pour Tchaïkovski au moins, cela aurait pu devenir un symbole de quelque chose de plus que l’intrigue du ballet, en regardant vers des aspects de sa vie. » Les chercheurs ont débattu de l’idée que ces créatures éthérées peuvent être un symbole pour quelque chose de plus que la romance du ballet, à savoir l’amour homosexuel. Dans son livre A Queer History of the Ballet, Stoneley suggère que Le Lac des cygnes et d’autres œuvres similaires peuvent être « une projection ou un point d’identification » pour les hommes et les femmes qui ne figurent pas dans le ballet. Nulle part en Europe l’homosexualité n’a été publiquement ou légalement acceptable au XIXe siècle, comme l’a démontré le procès d’Oscar Wilde au Royaume-Uni.

En Russie, la loi interdisant aux hommes de coucher avec d’autres hommes a été adoptée en 1832. L’amour homosexuel, en bref, était fermé. La relation entre le ballet et l’homosexualité entre également dans l’équation. Stoneley ouvre A Queer History of the Ballet en reconnaissant que le ballet et l’homosexualité étaient liés au XXe siècle, décrivant cette situation comme « à la fois « de notoriété publique » et « étouffée » ».

 Il s’agit en particulier du travail des Ballets russes de Diaghilev au début du XXe siècle, d’autant plus que Diaghilev était ouvert sur son homosexualité et sa relation avec Nijinsky. Compte tenu des lois et des attitudes à l’égard de l’homosexualité au XIXe siècle, comme nous le verrons bientôt, l’ouverture était rare. Cependant, les craintes de l’homosexualité peuvent être liées à l’abandon de la danse masculine au XIXe siècle. Alors que Marius Petipa favorisait clairement la danse féminine, il y a d’autres raisons de réorienter le ballet loin des hommes. Selon Siegmund, le physique masculin, en particulier celui d’un homme de la classe ouvrière, ne serait pas idéal dans ce nouveau ballet.

PARTIE II HOMOSEXUALITÉ AU XIXE SIÈCLE RUSSIE

 Lorsque l’on considère Tchaïkovski comme un homosexuel et ses implications pour Le Lac des cygnes, il est important de situer l’homosexualité en Russie dans le contexte du XIXe siècle. Les lois russes incriminaient les actes d’homosexualité. Pierre le Grand a imposé une interdiction militaire en 1716, étendue aux civils en 1832 dans l’article 995 interdisant aux hommes de mentir avec des hommes et menaçant de punir l’exil en Sibérie. Les informations sur les relations homosexuelles avant la révolution russe comprennent généralement une discussion sur une culture des faveurs entre les maîtres et leurs serviteurs.


 Selon Stoneley, l’homme de la classe supérieure à la fin du XIXe siècle « se reconnaît – comme ayant des désirs constants et particuliers qui le distinguent ». Un exemple spécifique de ceci est la culture dans les bains publics masculins à la fin du XIXe siècle où les préposés servaient la clientèle. Les actes homosexuels semblent donc avoir eu lieu à huis clos, en même temps que le mariage, et comprenaient parfois des « méfaits de gentlemen ». Il n’y a aucune information sur le fait qu’un homme ait ouvertement une seule relation homosexuelle avec un autre significatif comme dans la culture occidentale d’aujourd’hui.


 L’invocation de la prostitution féminine ici est intéressante car elle suggère que la plupart des hommes de cette culture n’étaient peut-être pas homosexuels « à plein temps ». Une impression claire est donc donnée du monde dans lequel Tchaïkovski a vécu. Stoneley décrit cette sous-culture comme une « culture effrayante » car les hommes étaient jugés publiquement pour des actes d’homosexualité. Après le mariage, alors que la vie de Tchaïkovski commençait à s’effondrer, ses frères l’implorèrent de demander le divorce d’Antonina. Warrack a déclaré que les motifs de divorce qu’ils avaient proposés étaient l’adultère de la part de Tchaïkovski. Du point de vue de Tchaïkovski, il aurait été bien pire d’admettre son homosexualité que d’avouer l’adultère. La puissante mélancolie de Tchaïkovski peut être liée à l’amour impossible du ballet Le Lac des cygnes. Dans le ballet romantique, le protagoniste masculin doit choisir entre son choix évident et le choix romantique et introuvable .



 Il est intéressant de considérer à quel point Tchaïkovski lui-même incarne le thème sous-jacent de l’amour impossible dans le ballet romantique. Volkov a décrit le ballet comme une échappatoire pour Tchaïkovski à sa vie malheureuse, « tourmenté par son homosexualité ». Pourtant, une grande partie de son premier ballet semble se rapporter à sa propre vie.


PARTIE III TCHAIKOVSKY ET SWAN LAKE

 Le Lac des cygnes a été le premier ballet de Tchaïkovski et, qu’il ait eu ou non beaucoup d’impact sur l’intrigue, des parallèles existent entre sa vie et celle du prince Siegfried. Comme Tchaïkovski l’a lui-même admis, il a ressenti le besoin de se marier. Cela résoudrait tous les problèmes liés à l’homosexualité et empêcherait probablement les autres de l’associer à elle. « Il ne reste aucune trace de gaieté et d’amour du plaisir en moi. »

 Brown discute de cette lettre en relation avec son ami Vladimir Shilovsky qui s’est marié au début de 1877, ce qui a perturbé la relation entre les deux hommes. Des similitudes entre Tchaïkovski et Siegfried peuvent être vues dans le récit du Lac des cygnes. Le ballet commence avec beaucoup de gaieté, mais se tourne rapidement vers le thème principal de l’intrigue, la reine disant à Siegfried qu’il doit se marier. Siegfried, à la fin de cette interaction avec sa mère, choisit d’aller chasser avec ses amis,

impliquant une rébellion contre cette action, où il rencontre alors Odette. Siegfried, dans le

premier acte, est montré en train de boire avec ses compagnons et de ne faire aucun effort

particulier avec quiconque est présenté par sa mère.

Dans la version de 1877 du ballet du premier acte, cela est démontré par Benno, l’ami de Siegfried, qui danse avec deux filles tandis que Siegfried choisit de s’asseoir. Dans le contexte des danses villageoises orientées vers un style folklorique, cela provoque des problèmes de partenariat qui font implicitement une déclaration sur les intentions de Siegfried. Que les liens aient été intentionnels ou non, Sporton explique comment les « conflits de la vie de Tchaïkovski ont un parallèle clair dans les tentatives vouées à l’échec de Siegfried d’éviter son destin ». « Le lien entre Tchaïkovski et Siegfried est important à étudier, car leurs qualités communes leur donnent à tous deux une raison de se tourner vers les qualités symboliques du cygne. Tchaïkovski et Siegfried ont tous deux besoin de se marier contre leur gré, consolidant le cygne comme symbole d’amour impossible. Le Cygne L’identification de Siegfried comme un personnage qui tente de s’échapper permet d’examiner les significations potentielles du cygne. Tout comme le ballet était une évasion pour Tchaïkovski, selon Volkov, la rencontre avec Odette était une évasion pour Siegfried. Siegfried n’a rencontré Odette en premier lieu que parce qu’il a choisi d’aller à la chasse avec ses amis après l’annonce qu’il devait choisir un partenaire dans le mariage. Les deux personnages s’unissent sur leurs malheurs, à savoir la malédiction d’Odette et le besoin de mariage de Siegfried. Comme mentionné ci-dessus, le neveu de Tchaïkovski, Ivan Lvovich, a enregistré en juin 1871 que Tchaïkovski avait composé un court ballet pour lui et ses frères et soeurs intitulé Ozero Lebedeye, « Le lac des cygnes ». Les premier et troisième actes montrent le monde du prince Siegfried dans la vie de la cour reflété par le monde des cygnes dans les deuxième et quatrième actes. Asafiev affirmait que le monde fantastique des cygnes ne devait pas être pris au pied de la lettre, mais comme une conception de l’artiste sensible ... les images romantiques de conte de fées du Lac des cygnes, soutient-il, « sont humanisées par Tchaïkovski à un tel degré que le drame du cygne et de Siegfried émeut comme un drame de l’actualité ». On peut émettre l’hypothèse que les deuxième et quatrième actes ne se produisent pas dans le monde réel, mais plutôt dans l’esprit du prince. Cela se développe à partir de l’idée que le prince ne veut pas avoir de relation avec l’une des filles du premier acte ou avec l’une des femmes suggérées de la scène de la cour de l’acte trois. L’utilisation d’un hôpital psychiatrique dans l’acte final indique que la santé mentale du prince est en cause. Le ballet montre un certain nombre de personnes en blouse blanche évaluant le

prince et aidant à faire face à sa folie en le sédatif. Avec l’état mental du Prince en question, il semble probable que les cygnes soient le fruit de son imagination ou une hallucination. Tous ces éléments sont présents dans le Lac des cygnes de 1895. Pour Tchaïkovski, ce serait un monde où il pourrait ouvertement et confortablement être homosexuel et pour Siegfried, cela signifierait qu’il épouserait qui il voulait et ne se soucierait

pas du stress de la vie noble. Le Lac des cygnes montre que Siegfried et Odette ont des objectifs similaires. Les deux sont sévèrement restreints, Siegfried par la monarchie et Odette par la malédiction de Rothbart. La distinction entre réalité et fantaisie est donc associée au cygne, qui à son tour représente les désirs de Siegfried et de Tchaïkovski.

Le lien entre le cygne et le chant du cygne et, à son tour, la mort ont un lien important avec le lac des cygnes. Pour Bourne, la rencontre finale avec les cygnes, la mort du cygne principal et la folie du prince semblent se dérouler dans la tête de Siegfried. Les cygnes croient que leur chef les a trahis en interagissant avec un humain et choisissent de le tuer. Dans la production de Bourne, il n’y a aucun indice visible pour suggérer ce qui tue réellement le Prince. Pour Goltsmann, le cygne mourant est un symbole soviétique, qui s’inspire de la notion de cygnes en tant que médiateurs entre les mondes des vivants et des morts. Elle la relie aux courts règnes des dirigeants soviétiques au XXe siècle, conférant ainsi une qualité russe distinctive aux cygnes du ballet de Tchaïkovski. Le Lac des cygnes et Le Cygne mourant ont tous deux été créés en Russie, un pays qui réfléchissait au destin, il est donc intéressant de voir comment ce symbolisme apparaît à travers le symbole du cygne.

PARTIE 4 BOURNE ET SWAN LAKE

Le cygne avait une signification pour Bourne en tant que symbole de liberté. Dans la production de Bourne, c’est l’attitude froide de la mère envers le Prince qui le pousse à adorer la figure du cygne. Pour le Prince qui sent qu’il n’a rien, le Cygne apparaît au moment où il en a besoin et change sa vie. Dans Le Lac des cygnes de Bourne, cependant, on ne sait rien du cygne et nous vivons l’histoire entièrement à travers les yeux du Prince. Le cygne mâle Contrairement aux productions du XIXe siècle où le cygne est une ballerine éthérée, Bourne fait du cygne une créature effrayante se nourrissant de leur agressivité bien connue, en particulier lorsqu’il s’agit de protéger leurs petits. Le pas de deux entre le Prince et le Cygne en est un exemple. Il y a de nombreuses fois où le Prince essaie d’embrasser le cygne mais est rejeté et repoussé.

Le cygne et la publicité

L’une des premières images publicitaires publiées du Lac des cygnes de Matthew Bourne montre le Prince nu et embrassant le Cygne. Matthew Bourne a décrit cette image comme inspirée par Anna Pavlova avec un cygne. La relation d’Anna Pavlova avec le cygne a été mentionnée dans le premier chapitre, en particulier The Dying Swan qui lui a apporté la célébrité. Après tout, les femmes étaient les vedettes du ballet du XIXe siècle, le centre de l’histoire et de la chorégraphie, et suscitaient ainsi l’admiration.

Bien que les femmes aient été les vedettes à la fois comme solistes et dans le corps de ballet, c’était un monde d’hommes. L’utilisation de cygnes mâles dans le Lac des cygnes de Bourne s’ appuie à nouveau sur les développements de la culture du ballet au XXe siècle. Les idées de Dyer sont renforcées par la comparaison des photos du Lac des cygnes de Bourne et d’ Anna Pavlova. Les deux présentent le personnage regardant loin de la caméra.

Bourne’s en particulier met en évidence l’image du cygne alors que le blanc du cygne se détache du fond violet, avec le prince inclus dans ce violet. L’étreinte peut également être comparée aux peintures de Léda et du Cygne, où le cygne est utilisé pour couvrir sa pudeur. Dans la photo de Bourne, le Prince semble nu, ajoutant un contexte sexuel à la pose. Cela met en évidence le symbole de l’amour que le cygne est venu représenter, y compris l’amour sexuel relatif à l’histoire de Léda et le cygne. Le Lac des cygnes de Mats Ek Le Lac des cygnes de Mats Ek, comme plusieurs autres productions, utilise le cygne comme point de projection pour le Prince. L’histoire se déroule dans un paysage onirique, avec seulement le costume et les accessoires pour indiquer ce qui se passe dans le ballet. Malgré son éloignement des premières productions, Le Lac des cygnes d’Ek démontre des liens avec les lacs des cygnes examinés jusqu’à présent. Le générique du ballet décrit la femme en rose comme un « cadeau d’anniversaire ». Ceci est suivi d’une série de danses où le prince danse avec ledit cadeau d’anniversaire pendant une courte période, mais la repousse ensuite en faveur de sa mère. Le Prince ne montre pas le même intérêt pour la femme en rose que pour sa mère et tente de rompre la danse qui se déroule entre elle et son partenaire, notamment en l’embrassant. Dans la production d’Ek, le cygne en tant qu’animal est représenté par un personnage de Rothbart apparaissant avec une chaise et un sac pour nourrir les cygnes. Sans cette activité, il serait difficile de dire qu’il s’agit de cygnes de la chorégraphie, qui ne contient aucune référence à l’animal, bien que les tutus blancs fournissent un indice.

Cela fournit à son tour un contexte pour que le prince projette ses sentiments sur les cygnes.

Des illusions comme Le Lac des cygnes Le deuxième ballet récent à l’étude est Illusions like Swan Lake chorégraphié par John Neumeier. En particulier, Stoneley explique comment la production de Neumeier fournit une représentation psychologique de la « de l’homosexuel du XIXe siècle ». Ceci est clarifié à la fois par l’accommodement des souvenirs et de la réalité et par Louis II, le roi fou de Bavière également connu sous le nom de Roi Cygne, apparaissant comme le protagoniste masculin du ballet. Dès l’ouverture de la production de Neumeier, le roi est fasciné par la maquette de son

château, ce qui lui rappelle son premier souvenir de la construction du château. L’utilisation d’un personnage historique contribue à la déclaration de Stoneley sur l’homosexualité du XIXe siècle. Selon Stoneley, Neumeier pensait que le personnage de Siegfried était assez mince et que la superposition du roi Louis II à Siegfried créerait un personnage qui « répondrait au goût du chorégraphe pour le réalisme psychologique ». Neumeier a été capable d’imposer des idées à son protagoniste masculin, en particulier en utilisant le roi Louis II pour faire ressortir des idées sur l’homosexualité.

Le ballet en tant que symbole à la fois d’un amour impossible et d’un désir d’évasion émerge également dans le troisième souvenir, qui s’aligne avec le troisième acte de la production originale. C’est peut-être un signe des contrastes de lumière et d’obscurité tout au long de la production, et que même la fiancée du roi incarne les deux. Cela pourrait aussi suggérer l’innocence du roi et son incapacité à voir entre le bien et le mal dans la production du Lac des cygnes, et à son tour dans la vie. Une caractéristique intéressante de la production de Neumeier est le casting du personnage de « l’homme de l’ombre ». Le personnage rappelle ainsi à Ludwig le caractère impossible de ses rêves. Le personnage est là à la fois dans la réalité et dans la fantaisie, réclamant le roi à la fin du ballet. L’homme dans l’ombre met également au premier plan la relation avec la mort qui est au coeur du Lac des cygnes, invoquant le chant du cygne et reliant la mort du roi au destin des héros condamnés du ballet. 

L’examen des différentes productions des XXe et XXIe siècles montre à quel point certaines caractéristiques et certains thèmes sont profondément ancrés dans le ballet, en particulier l’idée d’amour impossible. Les discussions sur Le Lac des cygnes et Matthew Bourne rappellent également le film de 2000, Billy Elliot, qui suit l’histoire d’un garçon qui veut être danseur, au grand désarroi de sa famille qui croit que c’est une activité féminine. Après l’acceptation de Billy à l’école de danse, le film avance rapidement sur le rôle majeur de Billy dans Le Lac des cygnes. Fait intéressant, le film choisit Le Lac des cygnes de Matthew Bourne mettant en vedette les danseurs et les costumes de Bourne. Le film se termine heureusement avec Billy réalisant son rêve, devenant le cygne mâle de la production de Bourne et réalisant l’impossible. Il est intéressant de noter que les deux films ont des liens avec l’homosexualité car l’homosexualité de Tchaïkovski a été un facteur important pour que le cygne devienne un symbole à la fois pour lui et pour le personnage de Siegfried. Le danger ressenti par Tchaïkovski est donc toujours d’actualité dans la Russie d’aujourd’hui. 

Révélé à la biennale de la danse de Lyon, son adaptation, tout en grâce et volupté, du mythique Lac des cygnes (créé en 1877), déconstruit « à la sauce Gumboot », les codes du ballet romantique. Pieds nus, parés de leurs plus blancs tutus, les cygnes ici parlent, chantent, crient et secouent même vigoureusement leurs panaches ! Mêlant pointes, arabesques, et grands-jetés aux ondulations les plus lascives, ces derniers lancent esthétiquement, « un pavé dans la marre » et posent avec gravité un regard taquin néanmoins pertinent sur les questions récurrentes de nos sociétés contemporaines : tolérance, homophobie, interculturalité …

Avec une dizaine de pièces à son actif, Dada Masilo n’est pas à son coup d’essai. Notons Roméo et Juliette en 2008 etCarmen en 2009, la jeune chorégraphe, âgée de 27 ans affectueusement le ballet depuis sa plus tendre enfance. Une fois de plus elle revisite le genre pour lui insuffler une théâtralité des plus innovantes. Dès l’âge de onze ans, sous le charme du célèbre Lac des cygnes, elle se promet de chorégraphier un jour sa version personnelle. Le répertoire classique serait-il quelque peu figé ou répétitif ? Pour Masilo, le sacro-saint tutu, n’est visiblement pas inébranlable ! Initialement, formé à la Dance Factory de Johannesbourg et l’école PARTS (Performing Arts Research And Trainning Studio) créée par Anne Teresa de Keersmaeker à Bruxelles, cette dernière puise alors dans ses héritages techniques et esthétiques pour explorer la force de la danse à interroger voire dénoncer de nombreux tabous (sexuels, culturels et sociaux). Dans son désopilant Le Lac des Cygnes, l’humour et la pantomime viennent ainsi brusquer les carcans moraux et artistiques. Un remarquable comédien-danseur maintient alors le fil conducteur de la pièce, avec d’hilarants monologues, assurant du même coup une justice de ton indéniable.


Une écriture charnelle et discursive

Revue et corrigée, le propose of fre une relecture singulièrement contemporaine de ‘œuvre. Hormis, le prince Siegfried, héros de la pièce, tous les interprètes (filles comme garçons) arborent le même costume. Pour le coup, point de pagnes mais » tutu pour tous ! Loin des conventions, C’est alors de dos et par une danse vivifiante du ventilateur

(tournoiement du postérieur) que nos élégantes ouailles entrent en scène. Loin de la version occidentale, établie sur pointes, la gestuelle est explosive. Sur Tchaïkovski, leurs pieds nus martèlent le sol avec force et conviction. Provocation ? Si le tutu appartenait jusqu’alors au ballet romantique, Masilo prouve qu’il n’est aucunement destiné aux seules danseuses occidentales.

 Au vrai, la force de la pièce n’est pas uniquement esthétique, elle possède une réelle finesse dramaturgique et présente une sincère prise de risques. Les codes volent en éclat : désormais, les partitions classiques rencontrent d’autres sonorités (Arvo Pärt, René Avenant…), le prince Siegfried est gay.

Entre le cygne noir (son amant androgyne, sculptural) et le cygne blanc (sa prétendue dulcinée, Dada Masilo), ce dernier doit choisir. Face aux jugements, il cède aux diktats moralisants. Les us et coutumes conditionneraient-ils notre identité ?

Fusionnant rythmes et pas zoulou, modern’dance et ballet, le chorégraphe parvient d’un coup de maître à combiner deux approches culturelles du corps, dans leurs toutes dimensions charnelles et sociétales. Point de gesticulations caricaturales mais un dialogue viscéral et philosophique entre Afrique et Occident.

Dans l’imaginaire collectif, le tutu notamment blanc immaculé, renvoie immanquablement au romantisme, à la féminité occidentale presque virginale. Porté ici également par des hommes virils, de surcroîts africains, interloque. D’ailleurs, dans le tableau final, tous finissent par mourir et l’on comprend que l’optique dadaïste de ce Lac des Cygnes, interrogez avantageusement l’androgénie et l’homophobie pour raviver l’épineux débat du SIDA en Afrique. Il est regrettable aujourd’hui de toujours lier ces trois thématiques mais elles le sont encore. Combien de Siegfried malheureux vivent leur homosexualité en clandestinité, contaminant leurs épouses ? Combien de femmes bisexuelles répondent aux » normes » matrimoniales, contre leurs grès ? Enfin, combien considère encore le préservatif comme facultatif et nécessaire uniquement aux femmes de mauvaise vie ?Oui, le fléau ravage le continent africain, donc Masilo le crie haut et fort notamment par sa somptueuse chorégraphie de clôture : bustes nus, parées de jupes longues noires, les onze silhouettes, drapées de lumières et majestueuses de gravité, sont quasiment interchangeables. Dans ce fluide entrelacs, tous ne font plus qu’un seul et même corps…Unis pour la même cause… Sexe, race, genre, les différences n’ont plus lieu d’être. Et là se joue toute la portée politique de la danse. Elle se fait l’écho des peuples et rassemble. On pourrait regretter quelques passages volontairement trop bruyants dans les jeux vocaux des danseurs, mais l’ensemble fonctionne. Surpris puis rapidement conquis, le public médusé se laisse séduire. Le rire est de mise pendant une heure ! Et même si les thèmes abordés ont été déjà traités par d’autres chorégraphes, tel que Bill T. Jones entre autre, dont on reconnaît l’influence, cette compagnie contemporaine sublime là une Afrique du sud multiculturelle réjouissante. Rappelons que l’Apartheid n’est aboli que depuis les années quatre-vingt-dix. Pour avoir simplement espéré un jour voir noirs et blancs vivre ensemble, Nelson Mandela fut emprisonné près de trente ans de sa vie…Alors si tout n’est pas réglé à Johannesbourg et Soweto, la danse de Masilo au moins permet cela !

ACTIVITES 3

Sujet: “Comment les relectures du lac des cygnes cristallisent les relations hommes/femmes dans la danse du 20eme et 21éme siècle?

A faire (travail collectif - en classe) - 

- A l’aide d’extraits vidéos et de vos connaissances, présentez un élément de la dissertation à l’oral

- L’introduction

- La première partie : axe de transgression au niveau du traitement du théme

- La seconde partie: axe de transgression au niveau du traitement des composantes du mouvement

- La troisième partie: évolution de la scénographie

- La conclusion 

Préparez collectivement un support pour cette présentation en étant vigilant aux images, vidéos et contenus. 

INTRODUCTION   

Accroche


Définition mot clef 1 + Questionnement


Définition mot clef 2 + Questionnement


Définition mot clef 3 + Questionnement


Questionnements + Problématique


Plan

PARTIE 1   Ce que je vais démontrer dans cette partie: 


Argument 1 (œuvre au programme)


Argument 2 (œuvre hors programme)


Transition


PARTIE 2   Ce que je vais démontrer dans cette partie: 


Argument 1 (œuvre au programme)


Argument 2 (œuvre hors programme)


Transition

PARTIE 3   Ce que je vais démontrer dans cette partie: 


Argument 1 (œuvre au programme)


Argument 2 (œuvre hors programme)


Transition

ACTIVITES 4

A l’aide de la grille d’évaluation du grand oral des épreuves du baccalauréat, évaluer les prestations des camarades de classe et proposer une appréciation argumentée de votre notation. 

Oeuvres de référence
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