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"Car dans cette représentation au Mark Taper le 27 février, il y aura un nombre égal de noirs et de blancs. Quel type de partenariat peut naître de ces conditions entre public et interprète, entre interprètes et entre les membres du public ? La réponse réside dans la définition de cette question. Non pas sous une forme préconçue, mais plutôt à travers un processus qui permettrait à chacun de découvrir de manière plus approfondie ses propres sentiments."
Anna Halprin, notes de performance pour Ceremony of Us
Ce film extraordinaire relate les premiers jours de répétition de la performance Ceremony of Us, une collaboration entre Anna Halprin et Studio Watts, qui a eu lieu au Mark Taper Theatre de Los Angeles en 1969, et pour laquelle il n'existe aucun film final. En 1968, Ann Halprin a créé simultanément deux compagnies, l'une à San Francisco composée uniquement de danseurs blancs, et l'autre à Watts composée uniquement de danseurs noirs. Après avoir travaillé séparément pendant des semaines, les deux groupes se sont réunis pour développer une performance hautement controversée et politiquement révolutionnaire. Au cours d'un processus de répétition qui était, selon les mots de Janice Ross, « moins une danse qu'une expérience vécue », Halprin a guidé les deux groupes de danseurs dans des expériences qui ont à la fois suscité et remis en question les stéréotypes raciaux, créant un espace où la colère et le désespoir politiques et personnels pouvaient s'exprimer, et où la réconciliation pouvait être envisagée. Bien qu'il ne capture que des fragments de ce processus, qui comprenait de vastes processus de groupe et de partenariat, utilisant le mouvement, la parole, l'exploration émotionnelle et perceptive, le film parvient largement à capturer l'esprit de la performance.—https://www.annahalprin.org/
Je fais mon truc et tu fais ton truc.
Je ne suis pas dans ce monde pour être à la hauteur de vos attentes,
et vous n’êtes pas dans ce monde pour être à la hauteur des miennes.
Tu es toi, et je suis moi,
Et si par hasard on se retrouve, c’est beau.
Sinon, on n’y peut rien.
Fritz Perls, Gestalt prière, 1969
Partie 1 : La réponse artistique aux tensions raciales de l’époque
Dans le contexte social tumultueux de la fin des années 1960, marqué par les émeutes de Watts et la lutte pour les droits civiques, «Ceremony of Us» d’Anna Halprin se présente comme une tentative audacieuse de guérison des divisions raciales. Cette performance a été conçue dans un moment où les États-Unis étaient profondément divisés par des questions de race, et la nécessité de créer des espaces de dialogue et de compréhension mutuelle était criante. Halprin, conscient de l’impact de l’art sur la société, a cherché à utiliser la chorégraphie comme un moyen de rapprochement entre les communautés noires et blanches.
La chorégraphie de «Ceremony of Us» engageait les danseurs dans une série de mouvements qui reflétaient les dynamiques de pouvoir et les préjugés raciaux. En gardant les groupes séparés avant de les réunir, Halprin a mis en scène le processus d’intégration raciale, symbolisant ainsi les étapes nécessaires pour surmonter la ségrégation. Les mouvements constitués pour chaque groupe avaient pour mais de refléter leurs expériences uniques, et leur union sur scène représentait une vision idéalisée de l’harmonie possible entre les races.
Partie 2 : Les ateliers de confrontation raciale comme fondement de la collaboration
Les ateliers de confrontation raciale à Esalen ont fourni un cadre thérapeutique où les participants ont pu exprimer et explorer leurs sentiments sur la race. Ces ateliers étaient essentiels pour préparer les danseurs à travailler ensemble, leur permettant d’aborder la performance avec une compréhension plus profonde des expériences vécues par l’autre. Halprin a utilisé ces ateliers comme base pour développer une chorégraphie qui non seulement présentait les différences raciales mais cherchait également à les transcender.
Dans «Ceremony of Us», la chorégraphie était imprégnée des émotions brutes et des vérités révélées lors des ateliers. Les mouvements étaient conçus pour amener les danseurs à interagir physiquement, dépassant ainsi le verbal pour atteindre un niveau de communication plus instinctif et empathique. Cette approche a permis d’aborder des sujets difficiles de manière non verbale, facilitant une forme de guérison que les mots seuls ne pouvaient pas atteindre.
Partie 3 : La performance comme réflexion et guérison communautaire
La performance finale, présentée au public, n’était pas seulement une démonstration artistique, mais aussi un acte communautaire de guérison. «Ceremony of Us» a offert aux spectateurs une expérience immersive où ils étaient confrontés à leurs propres préjugés et invités à considérer la possibilité d’une société intégrée. La chorégraphie ne se contentait pas d’illustrer la rencontre interraciale, mais cherchait à activer chez les spectateurs un désir de changement social.
Les moments de la performance où les danseurs noirs et blancs interagissaient intimement étaient particulièrement puissants, défiant les normes sociales et les tabous. En présentant ces interactions dans un contexte artistique, Halprin a pu explorer des territoires qui auraient été trop controversés dans d’autres sphères publiques. La performance s’est terminée par une image d’unité, avec tous les danseurs épuisés mais ensemble, suggérant que malgré la difficulté du processus, une communauté harmonieuse était possible.
En conclusion, «Ceremony of Us» d’Anna Halprin était bien plus qu’une œuvre artistique ; c’était une intervention sociale qui a utilisé la collaboration artistique comme un moyen de guérison des divisions raciales. À travers la chorégraphie, les ateliers préparatoires et la performance elle-même, Halprin a offert un modèle pour aborder et peut-être surmonter certains des défis raciaux les plus persistants de la société.