Voyage culturel - scolaire
" Notre civilisation sépare plus qu’elle ne relie".
Nous sommes en manque de reliance, et celle-ci est devenue besoin vital : elle n’est pas seulement complémentaire à l’individualisme, elle est aussi la réponse aux inquiétudes, incertitudes et angoisses de la vie individuelle. Parce que nous devons assumer l’incertitude et l’inquiétude, parce qu’il existe beaucoup de sources d’angoisse, nous avons besoin de forces qui nous tiennent et nous relient. Nous avons besoin de reliance parce que nous sommes dans l’aventure inconnue. Nous devons assumer le fait d’être là sans savoir pourquoi. Les sources d’angoisse existantes font que nous avons besoin d’amitié, amour et fraternité, qui sont les antidotes à l’angoisse ».
Edgar MORIN,
La Méthode T VI, Ethique
" ...nous inciter à préparer les esprits à s’attendre à l’inattendu pour l’affronter".
Il est nécessaire que tous ceux qui ont la charge d’enseigner se portent aux avant-postes de l’incertitude de nos temps. »
Edgar MORIN,
Les Sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur,
La motivation est une notion complexe, moteur de l'apprendre. Comment la créer ?
Pour les béhavioristes et Skinner la solution provient de renforcements positifs externes. Pour le psychologue Carl Rogers, la motivation naît de l'individu lui-même. Et pour les constructivistes, elle découle des interactions entre l'élève, ses perceptions, ses intérêts, ses attentes et son environnement. Malheureusement il n'existe pas de solution universelle et les outils à utiliser varient selon l'apprenant. Il est clair que cette motivation part d'un besoin, d'un manque ressenti par l'apprenant. Apprendre devient alors une pulsion qui peut motiver l'apprenant, puis l'amener au plaisir de combler ses manques, ce qui le motivera encore plus. Apprendre devient alors un cercle vertueux. (…) En résumé, l'enseignant doit proposer des activités, qui en plus de correspondre à un projet éducatif, doivent apporter de la nouveauté, ragrapsoulever des questions de manière à créer ce manque chez l'élève. Il faut aussi qu'il en démontre l'intérêt et l'utilité pour lui donner l'envie de le combler
Cela ne peut être que du bonus s'il est passionné par ce qu'il enseigne car la passion peut être contagieuse.
André GIORDAN, Apprendre !
Forts d'un travail mené depuis plusieurs années autour de la double question de la transmission entre pairs et du partage culturel et artistique, il nous a semblé que proposer à des élèves lycéens de se rencontrer dans ce but ouvrait une nouvelle dimension correspondant particulièrement aux attendus des nouveaux programmes du lycée comme de l'éducation artistique et culturelle.
Le projet consiste en un travail d'une année d'échanges entre élèves de seconde générale et élèves de spécialité artistique arts plastiques (danse et musique également) venant de villes éloignées et d’établissements culturellement différents. Le point d'orgue sera un voyage scolaire lors duquel les élèves présenteront des œuvres d'art, des lieux culturels et d'autres éléments culturels les passionnant pour les autres élèves. Ce voyage sera l'occasion de découvertes culturelles et patrimoniales tout autant que d'échanges entre élèves voire avec des professionnels.
Le but de ces échanges au court de l'année puis au long de 2 « voyages » de quelques jours à Paris et à Nice vise à ouvrir à l'altérité, à engager les élèves dans une appropriation affective et cultivée de leur environnement, à leur apprendre à inventer, porter et mener à terme un projet d'ampleur nécessitant recherches approfondies et travail personnel mais également coopération, à travailler les compétences orales nécessaires au présent, pour leur Grand Oral mais également pour leur avenir, travailler et questionner également les modes de communications et transmissions liés aux nouveaux médias.
Ce travail culturel tout autant qu'artistique, citoyen tout autant que scolaire prendra des formes différentes aux deux pôles géographiques de manière à correspondre aux attendus spécifiques de chaque niveau comme des enseignements portant ce projet. Cette diversité, loin d'être un frein sera au contraire un atout puisqu'il s'agira de part et d'autre de partager ce qui n'est pas le domaine de travail des autres. Cette posture d'échanges entre niveaux de classe et filières différentes est un but assumé en ce qu'il permet un véritable travail d'ouverture transdiciplinaire non anecdotique et prépare à l'insertion dans une société par nature multiple.
A Nice, dans le cadre du projet mais également du cours d'arts plastiques de spécialité les élèves travailleront au sein des musées de manière à tisser des liens forts entre les structures culturelles de plus ou moins grande proximité et les établissements scolaires. Ceci facilitera les échanges entre les professionnels et les élèves, densifiera la présence dans les lieux, et amorcera une certaine dé-sacralisation des espaces d'art. Ce travail rendra plus faciles et ainsi plus efficientes les interactions œuvres d'art/élèves, professionnels/élèves, élèves/publics extérieurs, élèves de différents niveaux entre eux, élèves de différents niveaux avec les professionnels.
Par le biais d'une présence renforcée des élèves du fait de leurs cours et travaux scolaires, puis peu à peu grâce au développement de leurs goûts personnels comme de la réalisation d'actions, s'amorceront des désirs de partages. Ainsi, par propagation et contamination des proches, s'enclenchera une ouverture vers ces lieux : au-delà des intérêts pédagogiques et culturels, une dynamique citoyenne et humaniste se met en œuvre dépassant le seul échange de l'année.
Si les bienfaits pour les élèves sont flagrants, ceux pour les structures et les professionnels de celles-ci ne sont pas à négliger. Outre la richesse induite par la transmission, la présence dynamique et active de jeunes gens peut participer à un renouvellement du public pour le musée. In fine mais non négligeable : la construction de valeurs, valeurs communes et partagées, valeurs citoyennes avec comme valeurs cardinales de l'ensemble du projet la collaboration et l'altruisme.
Pragmatiquement cela se déroule selon plusieurs axes :
D'une part, pendant une période de l'année définie, des cours ont lieu au musée selon un rythme hebdomadaire (cours pratiques + théoriques) de manière à ce que d'espace de découverte ou d'apprentissage, voire de rencontre avec l'art, le musée devienne lieu de formation et de recherche.
D'autre part, en collaboration avec certaines médiatrices et autres professionnels, les élèves construisent un travail qui sera présenté lors de l’accueil des élèves parisiens.
Ils créent des productions plastiques personnelles en échos et en interaction avec les œuvres et les lieux et s'insèrent dans une histoire de l'art vivante et questionnable, ancrent leurs travaux dans l'actualité de l'art et s’interrogent sur une visibilité et mise en vue de ceux-ci puisqu'à terme ces travaux serviront de support aux rencontres avec les autres élèves.
Enfin ils rencontrent les acteurs, professionnels de la structure et découvrent la réalité de leurs métiers.
Cela positionne les élèves en tant qu'« apprentis artistes », dans une double démarche de « puiser » des ressources (pratiques, techniques et inspiratrices) au sein des œuvres, du lieux comme auprès de spécialistes et des espaces de documentations et une démarche d' « acteurs » de la propagation de la culture en devenant médiateur vers les œuvres et les lieux.
Lors de l’accueil des élèves de 2de, les élèves de spécialités s’appuieront sur des créations artistiques personnelles afin de faire vivre une rencontre sensible avec les lieux et les œuvres présentés.
Objectifs, Finalités, plus-value pour les élèves
Ce projet vise à faciliter les échanges entre les musées, – les œuvres, le lieu comme les acteurs professionnels – et les lycéens. S'appuyant sur le constat que malgré la proximité géographique les lycéens (notamment de filières artistiques) ne connaissent que pour une minorité d'entre eux les musées et que, malgré l'intérêt des collections, ils ne le fréquentent pas régulièrement, il est apparu nécessaire d'établir un processus permettant de perméabiliser ces barrières mentales qui rendent étanches ces lieux pourtant voisins et qui devraient tout au contraires fonctionner dans des échanges de l'ordre de la complémentarité. D'autre part ces « apprentis-artistes » ont à assumer un rôle de propagateurs de culture et c'est en les positionnant comme tel qu’art et culture pourrons diffuser auprès de leurs pairs comme de leurs proches.
Les interactions lycée-musée, ne doivent pas être cantonnées dans l'étroit espace temporel de sorties pédagogiques mais devenir des lieux complémentaires de formation pour les étudiants en arts, comme pour l'ensemble des élèves. Ainsi il semble nécessaire que le musée soit perçu comme lieu d'apprentissage, de découvertes tout autant que de pratique, d'échanges avec les professionnels comme d’approfondissement de son travail personnel créatif au contact des œuvres.
Ce projet d'échange vise à développer cela. Autrement dit à bousculer les préjugés distinguant lieu d'apprentissage (dans les murs de l'établissement) et lieu de culture (le musée) étanches l'un à l'autre spatialement, temporellement mais surtout symboliquement.
Ce projet s'inscrit également dans la volonté de valoriser et favoriser les échanges avec les structures de proximité, de rendre visible et attractif le tissus culturel et patrimonial local, apprendre à nos élèves à le connaître et le faire partager, autrement dit rendre les élèves passeurs de cette culture qui est la leur.
Ce projet est avant tout une expérience humaniste dans laquelle les élèves, acteurs, porteurs de projet, créateurs d'évènements sensibles entrent en liens et créent ensemble une dynamique et un « monde commun », développant des compétences sociales et citoyennes tout autant que celles scolaires, techniques ou des connaissances culturelles.
"Pour moi, on a juste besoin de fabriquer de nouveaux regards"
Dans un entretien sur France Culture à l'occasion de son Exposition " Every stone should cry" au Musée de la Chasse et de la Nature en 2019, le plasticien Théo MERCIER explique « Quand j’ai commencé ma pratique de sculpteur, je pensais que mon rôle d’artiste allait être celui de combler le monde de ses manques. C’est pour ça que j’ai commencé à créer des œuvres faites de toutes pièces, dans des matériaux qui donnaient l’illusion d’être inédits. Je pensais que c’était mon rôle d’artiste, puis je me suis rendu compte que je n’inventais pas et qu’en fait, je me nourrissais du monde. J’ai voulu sortir de mon imaginaire et venir embrasser le monde, parce que ce qui m’intéressait, c’était ce qui m’entourait. Le monde ne manque de rien, ce qui manque c’est la manière de le regarder. »
« Autrement dit pour aller au musée il faut avoir la possibilité de "voir". (…) Les gens qui ne vont pas au musée sont des gens qui s'éliminent de la fréquentation du musée, non pas parce qu'ils ne sont pas doués et non pas parce qu'ils n'ont pas cette grâce que s'attribuent ceux qui vont au musée, mais parce qu'ils n'ont pas appris à regarder les œuvres d'art. Là aussi nous réglons son compte à une illusion très répandue parmi les privilégiés de la culture, l'illusion que la culture, paradoxalement, pourrait être quelque chose d'inné. En réalité, l'art de voir est quelque chose d'acquis. »
Pierre BOURDIEU
- Les élèves porteurs du projet sont les élèves de Première Spécialité Arts Plastiques et spécialité Danse, ainsi que les élèves de Spécialité Danse, Musique et Arts des autres niveaux pour certains moments du projet, soit entre 10 et 40 élèves pour le lycée Apollinaire (Nice) et 15 élèves pour le voyage
- Les élèves d'une classe de seconde du lycée Ionesco (Paris) soit environ 35 élèves.
- L'ensemble des élèves des deux lycées qui seront touchés par les actions culturelles réalisées lors des échanges.
Les Programmes des séjours ne sont actuellement qu'ébauchés, ils dépendront des intervenants (enseignants et extérieurs) et des choix des élèves pour prévoir ces visites, des expositions et évènements en cours lors des dates des échanges (expositions temporaires, spectacle vivant...) et des possibilités organisationnelles